Influences Influencées par Agnès, version "texte continu"

Prétexte :
"Le temps s’égoutte seconde après seconde, il sera bientôt sec."

...

 

Cette année-là, je m’en souviens, il avait fallu mettre des bottes aux vaches. Et ma grand-mère, de sa cuisine me criais jour après jour « Ne sors pas fifille, il pleut comme vaches qui pissent ! ».

Elles s’y sont habituées très vite, les mignonnes, me laissant sans voix, les yeux écarquillés. « T’inquiète pas Mamie, c’est chouette, la Noiraude, la Roussette et Blanchette vont être toutes proprettes pour gagner les estives ».

La pluie tomba sans discontinuer, pendant des jours et des jours.

Quand elles eurent de l’eau jusqu’au ventre, les vaches se mirent à grimper sur les collines. L’herbe était si haute qu’elle aurait pu nourrir trois fois plus de bêtes au moins. Mais il fallait les empêcher de brouter, trop alourdies, elles ne pourraient jamais atteindre le sommet.

À chaque transhumance, Noé s’annonçait à coup de corne de vaches de brume. C’était un indescriptible chaos, les bêtes meuglaient, les hommes beuglaient, les chiens aboyaient et ce satané Noé qui n’arrêtait jamais de souffler dans sa corne ! Il soufflait de plus en plus fort afin de surpasser le vacarme des trombes d’eau interminables. Les pauvres bêtes glissaient sur les drailles, pour trois pas d’avancées elles en perdaient quatre. Il avait dû même équiper son troupeau de bouée de sauvetage ! La Noiraude n’était pas peu fière de la sienne une splendide roue de caoutchouc à tête de flamand rose ! Les bouées colorées, collées l’une à l’autre égayaient un peu ce paysage terne et liquide. Bientôt on ne vit plus à la surface des eaux que des têtes qui flottaient comme des ballons épouvantés.

De longue mémoire, on se souvient toujours de l’océan primordial et du déluge. Les survivants se souviennent, ils parlent, puis ils se taisent en hochant la tête. On se raconte tout ça au coin du feu, sous le craquement sceptique des bûches. Jusqu’à ce que les enfants rient, cette histoire n’est qu’une légende, alors on oublie.

« Il dut construire une arche pour échapper aux flots déchainés ». « Arrête, Grand-mère, il faut toujours que tu viennes mettre de la religion là-dedans ! » imperturbable, l’aïeule poursuit : « Malgré sa construction rapide, l’arche était solide, elle avançait lentement certes mais sûrement. « C’est quoi une arche » demande Lucie « C’est un Costa Croisières avec plein d’animaux dedans » répond son cousin « Allez continues Mamie, ton histoire c’est mieux qu’Indiana Jones dans l’Arche Perdue ». « Parfois la désalpe était compliquée, l’arche ne passait plus sous les arches du Pont du Gard ». « On négocia une déviation par le Pont de Millau, tant pis si le péage coûte un bras à Noé. » « Un demi-tour s’avéra indispensable, bêtes et hommes chantaient à tue-tête pour maintenir le moral. » « Le grand perroquet se hissa tout en haut du mât de misaine, rejoint par les perruches sur le mât d’artimon « Terre, terre ! » criaillèrent-ils en chœur.

« Finalement le navire s’échoua, en plein cœur de l’Himalaya. »« Juste à côté d’une vieille carlingue uruguayenne des années 70, un miracle également » soupira ma grand-mère. Chacun s’installa, prit ses marques, une nouvelle vie commençait.

A l’aube d’une nouvelle ère et sur une terre vierge, la tâche était immense, ils se mirent en besogne, vite car, en attendant, les grands discours font les petites journées !

 

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Rédaction collective, la typographie des phrases fait écho à celle indiquant signature :

Thierry, Christine, Hugues, Monique, Pascale, Agnès.

 

Agnès, dernière Plume, pour les seize lignes liant chacune des phrases produites par les voisines.

2024.04.18 jeudi

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