Des Faits, De La Science par Agnès

 

J’ai demandé la Lune, le sage me l’a montré

Comme je ne suis pas folle, du doigt je l’ai touchée

Elle a ouvert un œil, et puis m’a éclairée

Le chemin de 6 heures, du matin, emprunté

Dûment j’ai remercié pour les cheveux coupés

Pour tout le bois scié et les fruits récoltés.

 

Bonne fille Séléné ? De rien elle ne s’est plainte

Ni du viol des ricains, ni d’la charge du Kremlin

Gardes-toi douce amie, de ton pire ennemi

Du fâcheux nommé Musk, de son Etron promis.

 

Ton attraction me souffle les plus jolies promesses

Un pique-nique lunaire en haut du Mons Agnès

Sur le plancher des vaches, j’attends que tu m’arraches

Avec mon petit panier, débordant de caviar

À ta mer du même nom, on puisera le nectar

Coups de pieds à la lune dans la Sérénité

La mer des Connaissances nous fera puits de science.

 

J’ai choisi un croissant et l’ai enduit de miel

L’ai tendu à Sélène, ma foi fort bien lunée

Elle a tout avalé puis par esprit de concorde

À mes pieds a jeté, petite échelle de corde.

2024.10.17 jeu.

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Elle Est Trisme Ce Matin par Agnès

 

6h13, c’est elle qui a choisi l’heure de son lever, elle l’a choisi parce qu’il n’y a pas de chiffres laids dedans comme le 4, le 7 et le 5 car pour écrire ces chiffres il faut lever le stylo, en déséquilibre, le stylo risque de ne pas tracer la barre finale. Maudite journée que ce 7-05-2024, trois chiffres interdits dans la date, tout ira de travers, c’est sûr. Un jour qu’elle ne va pas comprendre, un jour dans l’étrange pays des convenances et du grand n’importe quoi.

Son réveil, elle l’a planqué sous son lit, pour éviter le traumatisme lumineux, elle sentira juste la vibration de 6h23, au cas où elle se soit rendormie entre le jingle météo et l’annonce de l’arrivée de Pierre Emmanuel dans le studio, car elle n’entrave rien à ce qui est dit, elle ne saisit que la musique, les tops de l’heure, les voix des animateurs et les deux ou trois spots pub qui trainent en boucle depuis 6 mois dans sa radio.

Les bruits familiers qu’elle génère dans son rituel du matin la rassure : le bourdonnement du chauffage électrique, les borborygmes de la brosse à dents, le bruit de la chasse d’eau, les remises en route du frigo et les 4 sonneries du micro-onde.

Elle sait que quand elle ferme la porte de son appartement, tout peut arriver.

Le bonjour de la concierge, elle connait, elle a préparé sa réponse : « Bonjour Mme Ferrachi, bonne journée à vous aussi », la même réplique depuis 10 ans acquise de haute lutte après plusieurs mois d’écholalie pour lui donner un ton enjoué.

Jetée sur le trottoir, des sons l’assaillent de partout comme des bêtes à l’affût. À vouloir tous  les localiser, les analyser, les diagnostiquer et les classer, tout disjoncte dans sa tête : le feux dit oui, le klaxon dit non, un vélo la harponne, le cycliste jargonne, elle  s’excuse, il est déjà loin, elle met ses pas sur les semelles jaunes au sol et suit, et hécatombe dans les bras d’un inconnu, son regard est torturant, elle se dégage sauvagement, un chien la frôle, haleine chaude et mordante, une femme éclate en rires glacés, un homme prénomme en hurlant, un enfant effaré la découpe du regard, un camelot lui tend des carrés oranges, son sourire est effrayant, il y a Mozart dans les portables, des mélopées dans les bars, de la musique moite dans les boutiques, des odeurs de laque et de vinasse, de rouge à lèvre et de gaz, elle prend tout dans la gueule mais ne traduit rien, alors elle trace, elle met son doigt devant ses yeux pour repérer la bouche du métro, de chez elle, il faut 5 minutes pour y arriver, elle a compté le temps en silence  et en comptant elle a failli mourir 3 fois. Elle voit l’enseigne danser devant ses yeux : Wagram, ça commence comme une chaine de montagne : W et ça finit par deux petits ponts : m. La bouche l’avale.

13 marches, elle compte, en bas l’affiche a changée, il va falloir la mémoriser pour le retour, pour ne pas se tromper, elle se plante devant le panneau écarlate : « Défense de ne pas afficher le rouge » son incohérence est gigantesque, elle passe son chemin et ne retient que les 3 sticks à lèvres dont un seul est refermé, bizarre, pourquoi ? elle s’interroge et manque de peu l’accès à sa ligne faute d’avoir borné au distributeur de boissons qui marque le coin de l’escalier. Son cœur bat vite, le quai est bondé, le métro est plein, ça rit trop fort pour des phrases mystérieuses, ça pleure dans le silence abyssal des mères épuisées, ça se cognent dans des regards mauvais. Temple, elle connait ce mot, c’est le même écrit sur son livre de chevet « Temple nous parle » quand elle le voit sur le carrelage luisant de la station, elle doit sortir du métro, le retrouver sur la plaque de la rue Temple où elle s’encapuchonne pour s’escargoter et ainsi ne pas croiser les regards étranges et pénétrants des passants. Elle zigzague entre les caquetages piétons :

 « Après, j’aime bien aussi… Tu vois moi je pense… Et pourquoi… Ah tu l’as vu… Franchement moi ça m’a pas fait rire… Ouais et en fait… La mushkila*… Tu devrais essayer ça rapporte… Arrête Baptiste, Maman a dit non ! ... Tu me redis pour vendredi… T’as vu, y s’embête pas… Yes, it’s very good*…, Faudra être gentil, c’est mamie qui va te garder… C’est super bon… Ciao ragazza…*, Oh là là ! c’était vachement bien ! … Ça vaut mieux à cet âge-là, hein ? … »

Ces oreilles ont tout capté mais elle n’a pas dévié, d’une traite jusqu’à sentir sous ses pieds les picots rassurants du marquage non-voyant qui lui disent qu’elle peut traverser pour entrer dans le Square.

Du banc où je suis assise, je la vois, elle a mis ses mains devant ses yeux pour me viser au cœur, elle m’a vu, elle a l’air heureuse, elle n’aurait pas supporter d’attendre, elle sautille et se pose à côté de moi sans me regarder, elle sort de son carton à dessin, un carnet à spirale, et me le présente avec un crayon de bois : sur la feuille : un point par point à relier : de 1 à 100, je m’exécute, et je lis.

« Bienvenue en Autistan » je la regarde, elle exulte.  

 

*Pas de problème 
*Oui, c’est très bon 
*Bonjour les filles.

2024.10.17 jeu.

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Des Faits, De La Science par Christian-Louis

(Voyage jusqu'à la Lune pour un pique-nique)

 

Du lit où je me trouve dans cette salle blanche, je rêve d'un étrange voyage.

Bien que profondément endormi, je rencontre ce Monsieur MÉLIÈS qui me conte son étrange expédition l'amenant jusqu’à l'astre lunaire veillant sur moi.

Curieusement cette Lune avait dans son œil un drôle de stylo enfoncé comme un drapeau.

De ce rond de lumière je m'imagine être sorti du ventre de la Terre d'où un JULES m'avait oublié.

J'étais avec TINTIN, MILOU et le bougon capitaine au pied de la grande fusée rouge-et-blanc, la montre molle de DALI au poignet, prêt à monter dans l'habitacle  pour le grand voyage.

Déjà bien avant ARMSTRONG, mes premiers pas sur ce sable mouvant de l’alunissage furent impressionnants.

D’ailleurs un " hourra " collectif fit écho aux abois du chien tout étonné.

Ainsi vêtu d'un habit de PIERROT, j'espérais rencontrer une nouvelle COLOMBINE, ma future PIERROTE au détour de nos découvertes.

J'eus beau la chercher, la quémander, l'imaginer... Rien... Ne m'aurait-elle pas entendu ?

 

Bientôt, affamé, le capitaine fit tonner son bidon réclamant son en-cas et sa bouteille.

Heureusement que tout était prévu et du panier emporté nous avons pu prendre nos sandwichs imaginaires.

Allez ouste chimères et dieux mythologiques. Laissez-nous croquer à pleine bouche le plaisir des sens.

Goûtons l'espace qui s'offre à nous et détaillons, si nous pouvons, chaque continent de notre vieille planète.

          Là, la muraille jaunie.

          Ici, les temples incas.

          Et là... mais oui, c'est PARIS.

          Plus loin mais si prêt...mais oui, c'est la guerre.

          Et même là ...

 

Bientôt la lumière s’éteindra, il sera temps de repartir. Finissons vite notre pique-nique.

Prenons garde à ne laisser aucune miette de regret endommager notre illusion.

 

NON... Mais qui sont ces hommes en blanc ? Pourquoi m'examinent-ils ? Ont-ils peur que je m'enfuis vers l'infini emportant mon panier d'espérances ?

Il est 10 heures et j'ai encore faim.

Par la fenêtre, le SOLEIL me fait un clin d’œil.

2024.10.17 jeu.

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