Écrire Sur Partitions par Monique


Au son des trompes, la chasse à courre s'élance. La bête débusquée, un magnifique dix cors, tente de distancer la meute hurlante en filant à travers la prairie en direction de l'étang. Puis coupant à travers l'eau peu profonde, le grand cerf plonge ensuite dans l’abri du sous-bois. Mais les chiens, un instant déroutés, retrouvent sa trace et reprennent la poursuite, à travers les halliers et les arbres de la forêt, suivi des chasseurs sur leurs montures. Cependant, un des cavaliers se laisse distancer, il ralentit son cheval, laissant le hourvari des bêtes et des hommes s'éloigner puis s'éteindre.

Là dans la paix retrouvée, il peut enfin apprécier, bercé par le ramage d'une multitude d'oiseaux, la beauté et la douceur du royaume sylvestre. Il écoute fasciné le concert donné par les petites gorges ailées, son cœur vibrant à l'unisson de ces trilles entrelacés. C'est une ode à la vie, célébrant les merveilles de la nature. Ils chantent la lumière qui ruisselle sur les feuillages rouges et ors de l'automne, le friselis des feuilles agitées par la brise, le gargouillis cristallin des sources.

Noyé dans la verte pénombre, il poursuit son chemin, envouté par l'agréable mélodie de la fauvette, du chardonneret, du rouge-gorge et de la grive musicienne auxquelles se mêle parfois le sifflement du merle. Quand soudain s'élève une complainte si parfaite avec des notes si mélodieuses que même les autres oiseaux s'arrêtent pour l'écouter. Le cavalier a aussitôt identifié l'interprète de ce chant merveilleux qui lui fait monter les larmes aux yeux. C'est un rossignol bien sûr. Complètement sous l'emprise de cette mélodie enchanteresse, il replonge dans sa rêverie, quand soudain, à intervalle régulier, de retentissants coucous se font entendre, tentant ainsi d'attirer son attention en interrompant à intervalle régulier la délicieuse mélopée.

C'est alors qu'il comprit l'avertissement. Le soir va bientôt tomber et il s'est laissé entrainer si loin, il a atteint le cœur de la haute-futaie avec ces futs gigantesques couverts de mousses. Reprenant ses esprits, il essaye de rebrousser chemin, ne prêtant plus qu'une oreille distraite aux sons venus des arbres.  Il ne se laissera plus désormais captiver par le babillage de la gente emplumée et impressionner par le bruissement continu du feuillage.

Cependant la nuit continue d'étaler son emprise, un vent frais d'automne se lève tout à coup, faisant s'entrechoquer les branches en un claquement sinistre qui se répercute sous la lumière blafarde de la lune. Alors, il sent son sang se glacer dans ses veines.

Plus les heures passent et plus le vent forcit, amplifiant l'agitation des feuilles, et cela ressemble à s'y méprendre au clapotement de l'eau cascadant de rocher en rocher ou à une source jaillissant des profondeurs de la terre.

 

Au milieu de cette cacophonie, un air de flûte se met subitement à flotter dans l'air. Intrigué, il descend de cheval et s'avance prudemment dans la direction du son, à travers les fourrés.

Sous la pâle clarté de l'astre de la nuit, assis sur un dolmen, au centre d'un cercle formé de sapins centenaires, aux troncs couverts de lichen, un faune joue paisiblement de son instrument.

Attiré par la musique, une dizaine de créatures vaporeuses, d'une admirable beauté, elfes ou fées, apparurent venant s'assembler autour du musicien. Le seigneur de la forêt les accompagne, portant haut son imposante ramure.

Il a encore réussi à semer ses poursuivants. Ce soir, on fête sa victoire. Se prenant par la main, les formes évanescentes forment une ronde joyeuse, et se mettent à danser et à chanter sur un rythme entrainant. Les festivités se prolongent jusque tard dans la nuit.

C'est alors que tout à sa contemplation, il pose le pied, par mégarde, sur une branche morte qui craque bruyamment, provoquant la fuite éperdue des personnages assemblés. Seul le splendide animal demeure immobile, le fixant de ses prunelles d'or. Ils restent là, figé, l'un en face de l'autre, en un instant magique où le temps reste suspendu. Puis la bête se retourne lentement et s'enfonce au milieu des ronciers.

Revenu de sa stupeur, il songe enfin au retour. Après avoir récupéré sa monture, qu'il conduit par la bride, il s'avance dans l'ombre épaisse, progressant péniblement sur un tapis de feuilles humide et glissant.

Tout autour de lui, il perçoit le grouillement du peuple nocturne, prédateur ou proie, qui le terrifie. Mille pensées vagues se mettent à l'assaillir. Pourtant malgré la peur qui lui étreint le coeur, il continue son chemin.

Un peu avant l'aube, les arbres deviennent plus espacés, la végétation moins dense. Cela lui redonne du courage, maintenant c'est sûr, il va s'en sortir, retrouver la civilisation.

Au petit matin alors qu'il quitte enfin le couvert du bois, des nuages s'amoncèlent dans le ciel et les premières gouttes de pluie commencent à tomber. Il remonte en selle et continue sa route, accélérant le pas du cheval dont les sabots creusent profondément l'herbe mouillée. Le village ne doit plus être très loin à présent.

Un peu plus tard la pluie s'arrête enfin et le soleil filtre à travers les nuages. La douce chaleur de ses rayons le réchauffe peu à peu. Le ciel se découvre lentement, annonçant le début d'une magnifique journée.

Déjà, le paysage commence à lui devenir familier, signe que l'aventure va se terminer d'une façon heureuse.

 

Bientôt, il aperçoit, les toits du domaine où il avait été invité la veille, avec un ami, pour découvrir les usages et l'art de la vénerie. Ils vont être heureux de me récupérer, pense-t-il, mais en narrant mon périple, je garderai secret ma rencontre avec le roi de la forêt.

2024.04.18 jeudi 


Les Plumes remercient en chœur M'dame Béata,
 
   bibliothécaire musicale à la Médiathèque d'Oyonnax,
 d'avoir composée avec un soin sympathique une Liste Des Musiques fort agréable et inspirante.
 

Influences Influencées par Monique

 

Prétexte :
"Le temps s’égoutte seconde après seconde, il sera bientôt sec."

...

 

Betty ne supporte plus ses interminables dimanches après-midi, entre son père, qui traine en pantoufles, et sa mère attelée à sa table de repassage.

Au comble de l'exaspération, elle observe ses parents en soupirant, il faut dire qu'il y a de quoi.

Le père ne tourne pas rond en ce moment, le moral est à plat, du coup la mère s'en sert de table à repasser.

Finalement, lassée par toute cette inaction et cette monotonie, elle se lève brusquement et se dirige vers la fenêtre.

Il arrive un moment où le temps est trop long, où les autres vont trop vite.

Où l'on ne supporte plus d'être toujours soit excessivement en avance ou alors complètement à la traine.

Cette question de la relativité du temps la tourmentait, regarder les aiguilles suspendues ne l'aidait pas à comprendre cette restriction.

Elle avait toujours cru le temps immuable. Qu'il puisse varier d'un observateur à l'autre la mettait mal à l'aise. Que faire pour se divertir un peu ?

Elle n'avait pas pu aller à la bibliothèque et même pas un livre pour fuir le temps.

Elle restait là, condamnée à se poser des questions hautement métaphysiques, lorsque se retournant elle vit une chose extraordinaire.

La pendule avançait, elle avait bougé, s'était déplacée vers le centre de la pièce.

Non mais j'hallucine ! Eh ! Toi ! Une horloge digne de ce nom n'est pas faite pour se balader. Retourne vite dans ton coin et contente toi de faire tic-tac. J'ai besoin de calme pour réfléchir.

Le temps des autres est-il le même que le sien propre, dans le moment présent ?

Ou alors chacun possède son temps à lui et évolue selon son rythme indépendamment des autres ?

Le passé était gris, vieillot, il lui suffisait de regarder ses parents et le présent lui paraissait encore plus sombre.

Pour s'en sortir il fallait absolument qu'elle fasse quelque chose, n’importe quoi, pour sortir de cette situation embarrassante.

Ado rebelle et pleine de vie, quel gâchis de voir ses parents enfermés dans ce train-train, elle sortit et les enferma pour de bon à double tour de clé.

Voilà ! Une bonne chose de faite, je suis enfin délivrée de cet enfer.

Elle prit soin de jeter la clé dans le passé, afin que personne ne puisse la trouver au détour d'une heure ou d'un jour prochain.

Je suis enfin libre et heureuse ! Mais bientôt son cerveau se remit à se poser des questions, n'avait-elle pas agi trop impulsivement vis à vis de son père et sa mère ?

Peut-être la course du temps n'est-elle que la nôtre rapide ou lente selon nos forces.

Finalement elle décida tenter une expérience.

Et si cela tenait simplement à la course des planètes.

À leur rotation, je vais adopter un mouvement giratoire pour voir ce que cela donne.

Elle tournait autour de la maison, se rendant compte que cela ne changeait rien à son ennui.

Quelle accélère ou ralentisse, aucune modification, elle regrettait sa conduite, des pensées contradictoires l'assaillaient.

Cette marche circulaire éclaira une idée, une intuition peut-être. Elle était une nouvelle terre, tout était possible.

C'était une nouvelle vie qui s'offrait à elle. Elle vivrait à son rythme, désormais, sans personne pour la perturber, surtout pas ses parents.

Quel besoin nous pousse à s'occuper des autres ? Générosité ou égoïsme ?

Vivre uniquement pour soi, sans se préoccuper de rien d'autre, est-ce cela la vraie vie ?

Alors ? Demain elle serait seule ? Perdue en elle déserte ? Une peur ancestrale la fit frémir.

Tout à coup une vérité lumineuse éclaira son esprit. Non, nous ne pouvons vivre les uns sans les autres, même si nous ne vibrons pas sur le même tempo. Il faut apprendre à vivre avec nos différences, voilà la solution.

Triomphante elle prit la clef et elle leur ouvrit enfin, ils n'étaient même pas fâchés.

 

Une version en "texte continu" est accessible en passant par ICI

 

Rédaction collective, la typographie des phrases fait écho à celle indiquant signature.

Agnès, Michèle,Thierry, Christine, Hugues, Monique.

Monique, dernière Plume, pour les seize lignes liant chacune des phrases produites par les voisines.

2024.04.18 jeudi