La Tête En Fuite par Thierry

 

"Suicide !" Le Doc, qui vient de lancer ça, bascule en arrière par la baie vitrée, qu'il avait pris soin d'ouvrir quelques instants plus tôt. Plouf, le magnifique plat-dos dans la piscine, situé juste en bordure, attire l'attention de tous. Le Dudulle, à l'autre bout de la tablée, plein de bonne volonté et déjà relativement calibré au vino Costa, veut lui porter secours. Un soupçon tanguant, il commence à enjamber chaises, tables, jambes... jusqu'à s'entruper magistralement les pinceaux dans un pied de table. Voulant se retenir à celle d'à côté, mais emporté par son déséquilibre, l'ensemble chancelle et patatras, voilà bien le plateau de table, vrai ou faux marbre, en deux morceaux.

La patronne arrive illico, visiblement pas contente. Tout étonné de voir que plus personne ne s'intéresse à son sort, le Doc revient, tout ruisselant et étonné, voir ce qu'il se passe. N'ayant pas convaincu la patronne, avec son espagnol de vache anglaise, tout en agitant la main comme un tranchant et voyant le reste du groupe prêt à éclater de rire, le Dudulle l'aperçoit. Il se tourne alors vers lui, le prend à témoin en continuant le même geste et répète pour la énième fois : "c'est pas ma faute, y'avait une faya", "tu vois bien là, y'a une faya", "elle y était déjà la faya."

S'ensuit une négociation charabiatesque et sans espoir d'aboutir où, d'un côté, on estimait le marbre comme historique et donc hors de prix et, de l'autre, la faya ne faisant aucun doute, il y avait non- lieu et l'affaire était close. L'entente étant impossible et l'incompréhension quasi totale, nous réglons les consommations et partons.

La patronne dut appeler aussitôt la Guardia Civil. Du moins nous ne pûmes conclure que cela, car en redescendant vers notre hôtel, arrivant à une intersection, nous vîmes une voiture de gendarmerie démarrer devant nous. Dans une course poursuite inversée, chacun des deux représentants de l'ordre un bras accoudé à la fenêtre, et à une allure tranquille, tranquille, très tranquille, elle nous précéda jusqu'au parking de l'hôtel. Durant ce laps de temps, nous eûmes le temps, de rire de cette course poursuite insolite, de chambrer le Dudulle et le Doc. Si bien qu'en arrivant, ils n'osaient plus descendre de voiture, et se voyant déjà embarqués et emprisonnés. Il n'en fut rien, il y eut juste une déposition à faire le lendemain. Mais jusque tard le repas dura avec du faya par-ci, faya par-là... Enfin repas, plutôt apéro-tapas.

2024.06.27 jeu.

Madeleine(s) En Marcel Sur La Page par Thierry

 

Bam, bam, bam ! Sept heures déjà, le balai tape au plancher de la chambre. C'est le réveil, l'heure d'épailler et sans traîner. Habillage rapide, toilette fugace et je descends à la cuisine. Celle-ci est déjà fumante et parfumée, comme d'habitude. Les premiers ingrédients de la potée de midi mijotent dans la marmite avec un bouquet bien garni.

Un chocolat chaud vite avalé et je récupère les paniers à bouteilles. C'est mon boulot avant d'aller à l'école : faire le plein au tonneau à la cave et, si j'ai le temps, balayer la salle. L'Gégène et l'Tavien sont attablés devant leur chopine, discutant de tout et de rien. C'est leur pause casse-croûte à la fromagerie, après la tournée de ramassage du lait. Me voyant ouvrir la trappe de la cave, accompagné de mes bouteilles vides, ils ne manquent pas de me chambrer : "t'arrêtes pas de siffler, là en bas". "Et fort, qu'on entende", appuie l'autre. Y'a pas de danger pourtant. Le p'tit coup de rouge à cette heure-ci, pas trop pour moi.

Quand je remonte, ma mère est affairée à faire fondre du metton dans un caquelon. Dès le vin au frais, elle m'interpelle: "tiens aide-moi. Viens remuer la cancoillotte et surtout, tu n'arrêtes pas tant que tout n'est pas fondu." Debout devant la cuisinière, à l'intérieur de laquelle j'entends chanter le bois et devine les flammes, par les interstices entre les plaques, je touille, je touille, je touille, je touille. Hum ! À midi, elle sera encore un peu tiède et j'aurai droit à la peau au-dessus, qui aura croûté. Hum ! si j'arrive à avoir le quignon du pain frais avec, ça va être régal de chez régal. Il n'y a même pas besoin de m'ouspiller, pour passer le balai et préparer quelques couverts dans la salle.

2024.06.27 jeu.

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Madeleine(s) En Marcel Sur La Page par Salim

 

Madeleine en marcel sur la page

En short au bord des lignes

En tatane elle ne se laissera pas tenter par les marécages

Tant que l'ombre de son nom reste sur les livres

 

Après avoir surfer sur la page

Laissons place à l'imagination olfactive

Tendre et moelleuse, elle ne fait que des ravages

Pousser par la chaleur du four en ressort une odeur attractive

 

Un goût apprécié mais difficile à déceler

Dans la peine comme la joie, rien d’autre qu’on savoure

Cette saveur sucrée et caramélisée n'est pas si facile à réaliser

On dit que la gourmandise est riche à l'Homme même dans l'amour

 

Pétrir, concevoir, former sont les mots d'ordres d'un grand chef

Impossible de concevoir sans recette ni ingrédients

Même un débutant peut être un maitre chef

Avec la technique et l'improvisation ça ne peut être que concluant

 

Gonflée et bombée, on la comparerait au Bossu de Notre Dame

Son caractère et sa timidité se confondent

Inspirante comme la lueur de nos états d'âmes

Rien n'est plus magique que de la décrire dans un conte

 

La beauté de cette création est humaine

Peut-on dire que l'humain est beau grâce à cette création ?

La récompense sur notre cou un collier de madeleine

Elle ne se mange plus, elle est devenue notre décoration

2024.06.27 jeu.

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