J'Y Étais... par Hug

(Pour voir la scène "Le Déjeuner des canotiers" d'Auguste Renoir c'est par ICI ou par .)


On peut compter sur amies et amis, je le sais. Alors quand l’invitation leur est parvenue, sans réelle surprise, toute la Troupe s’est avancée.

Il y a quelques mois je les avais prévenus lors de leurs visites régulières. D’abord mes propos les surprenaient, puis réflexion faite, explication développée, ils admettaient que mes raisons n’avaient rien de déraisonné, ils soutenaient même ma décision. "Je vous aime, c’est tout simple, vous me le rendez chaque jour, je suis rarement seul, vous êtes tout autour de moi, tout le temps, vous êtes ma respiration. Vitaux. Et un jour je vous le rendrai.

Ce jour devait être, il fût. En septembre. Le temps était serein et les oiseaux joyeux. Le repas avait débuté sans pincement, toute la Troupe connaissait toute la Troupe. De proche voisinage à lointaines contrées, elle tissait ses liens par la voix, par l’écrit.

Andrea, c’est lui à gauche en marcel et chapeau de paille à liseré bleu, est venue de Sicile ; Marcus, portant gilet, à droite, qui se penche vers Léonie, est arrivé d’Allemagne dans la nuit ; Jeanne, appuyée à la barrière, rêveuse, prévoit, peut-être, de ne pas rentrer en Irlande. Eux sont venus, et les autres, vivant à portée de train, la Troupe a fait le voyage.

Notre Troupe est liée par une amitié lointaine. Les vies de chacun s’étaient trouvées réunies par un hasard dramatique. Circonstances fâcheuses, difficiles, terribles. Les mots n’avaient pas toujours suffi pour échapper à la peine, à la peur de l’évènement vécu. Nous avions pleuré beaucoup. Et après ? Après la vie est encore là, alors nous l’avons embrassée.

Nous avons perdu en route des cœurs brisés qui ne parvenaient pas à marcher plus loin, nous les avons laissés à regret, ils ont salué, se sont mis de côté pour nous laisser poursuivre nos existences tant bien que mal. De rencontres en longs silences, la Troupe cabote sur les rivages de l’amitié ; régates joyeuses ; mers houleuses ; pontons encombrés ; plages désertes. Les années ont passé, le Troupe tient le cap.

Ce jour est particulier, c’est mon jour, ils sont ici pour moi, pour me caresser encore une fois de leurs sourires, de leurs mots, leur vie, leur énergie si belle, ils sont là pour partager les doux rêves qu’ils inventent.

C’est un repas de fête qui, je le sais, deviendra moment d’anniversaire. Ils sont tous à leurs affaires d’amour, de rêves, en mots légers, ils se regardent, se chuchotent des tendresses, défont le monde pour le reconstruire beau.

La tables est chargée, le moment du dessert, il reste encore assez de vins pour faire briller les yeux avant que les larmes n’en glissent. Connaissant l’amour de la Troupe pour la peinture impressionniste j’ai souhaité que tout vienne rappeler cette époque vibrante. La Troupe est belle ainsi, on dirait du Renoir, l’Auguste, le peintre.

D’ici peu Louise va se lever, prendre son Molosse dans ses bras et annoncé qu’il est temps d’embarquer. Les barques sont prêtes au ponton, il est prévu qu’elles s’avancent au centre du lac et qu’elles soient installées en étoiles comme les rayons d’un soleil couchant. Francis, on le voit de dos avec son petit chapeau rond, se lèvera, sans basculer à l’eau je l’espère, il ouvrira l’urne et dispersera ma poussière lentement au milieu des embarcations. Puis la Troupe sèmera par poignées des pétales de fleurs jolies, quelques chansons pour rire sous les larmes.

Et l’an prochain ils reviendront m’embrasser en nageant à travers moi. Et les années suivantes.


2023.04.20 jeudi

 

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