Une Histoire... par Monique

(D'après "Le Tricheur à l'as de carreau" de Georges de La Tour)

L'histoire qui va suivre a pour cadre l'immense salon de réception d'un palais vénitien. C'est la nuit, aucune présence, le lieu est désert. Du cartel de bronze, posé sur l'imposante cheminée de marbre rose, les douze coups de minuit viennent de retentir. Aussitôt, une brume légère envahi tout l'espace et une foule de fantômes commence à se matérialiser, car c'est ce soir qu'à lieu la finale du tournoi de poker "inter-spectres".

Trois candidats au titre restent en lice. Voici que s'avance tout d'abord la championne italienne Catherine de Médicis, la fine stratège, imposante dans sa robe de velours galonnée d'or. Arrive ensuite, le jeune comte de Cagliostro, alchimiste, sorcier, aventurier, dont la magnificence de l'habit dépasse celle d'un roi.

-   Oh ! Catherinetta bella, vous êtes resplendissante !, s'écrie-t-il.

-   Tchi !  tchi ! mon jeune ami, répond-elle, merci du compliment, mais souffrez que j'évite votre regard, car je me méfie de vos talents d'hypnotiseur.

-   Mais où est donc passé le troisième joueur ?, s'interroge un des esprits arbitres du concours.

-   Me voici ! Me voici !

Un jeune homme sort alors de la foule assemblée, vêtu d'une veste de peau et d'une large ceinture de cuir.

-   Je me présente François Villon, poète maudit, un peu voyou, noceur et j'en passe…, j'ai été quelque peu retardé par une bande de pendus en ballade.

     Tous les participants étant présents, le match peut donc commencer. On parie gros, les écus s'entassent au centre de la table, tantôt raflés par l'un ou l'autre des joueurs. Pour l'instant il est bien difficile de les départager. Soudain son auguste majesté ordonne :

-   Pause ! J'ai la gorge un peu sèche, qu'on aille quérir ma fidèle servante, pour qu'elle m'apporte un rafraichissement.

-   Me voilà, Madame.

Et, la douce Paola s'approche, tenant, de la main gauche, une bouteille par le col et tendant un verre rempli de son autre main. Mais en réalité, ce n'est pas la une simple boisson qu'elle apporte, mais un élixir, permettant de voir, au travers des cartes, le jeu des adversaires et que la reine a acheté fort cher, à un puissant mage, afin de mettre toute les chances de son côté.

Le jeune Cagliostro ne peut s'empêcher de sourire, pensant en lui-même : Ah ! Ah ! On va bien rigoler, car averti par un songe prophétique, j'ai pu faire remplacer ta mixture endiablée par un bon vieil armagnac de derrière les fagots.

Ne se doutant de rien Catherine fini son verre et le jeu se poursuit. Curieux, pense-t-elle, le breuvage avait un goût excellent mais les effets magiques sont un peu long à se manifester, je devrais peut-être en prendre encore.

-   Paola un autre verre.

Et puis un autre et encore un autre, toujours sans résultat. Alors une idée commence à faire son chemin. Satané alchimiste, il m'a trahi, par Saint Barthélémy, ma vengeance sera terrible, je le jure.

Mais l'esprit complètement embrumé par les vapeurs de l'alcool, la voilà qui s'embrouille dans ses stratégies, se met à jouer n'importe comment, pour finalement se trouver complètement lessivée. Et à demi mi-titubant, mi-protestant, elle est obligée d'abandonner la partie.

S'emparant du verre, encore à moitié plein, resté sur la table le jeune comte s'exclame :

-   Quelle déchéance ! Mon Dieu ! Une reine de France, carburant au 10 ans d'âge !

-   Hélas ! Mais où sont les… Dames du temps jadis ?, rajoute le poète.

Cagliostro pose alors ingénument le verre près de lui. Et la partie reprend de plus belle. L'or s'accumule sur le tapis. C'est alors que dirigeant sa force mentale sur le verre, il fit apparaitre brièvement les cinq cartes adverses : dix, valet, dame, roi tous de carreau et as de cœur. Maintenant il sait que son adversaire bluffe et qu'il n'a aucun jeu. Avec son carré de neuf, il peut porter l'estocade.

-   Tous les écus qui me restent pour voir, lance-t-il, certain de sa victoire.

-   Quinte flush royal, Lui rétorque Villon, étalant ses cartes.

Le jeune comte est médusé, effondré, éberlué, il n'arrive pas à comprendre comment il a pu dans sa vision confondre un carreau et un cœur.

François exulte, personne ne s'est rendu compte, il a escamoté l'as de cœur de son jeu pour le remplacer par l'as de carreau caché dans sa ceinture. C'est lui le champion !!!

-   Je dédie ma victoire à tous mes amis, voleurs, tricheurs, ripailleurs, gais lurons. Et vous frères humains qui après nous vivez, priez Dieu que tous nous veuille absoudre.

2023-02-09 jeudi

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