Il a passé son enfance dans une ville petite. Le quartier qui le fit grandir n’était guère éloigné du centre de la cité. Pour s’y rendre il fallait passer le Pont Grand. Dans une rue montante, côté paire, était la maison que son grand-père côté père.
Il y avait une tribu de mômes dans cette rue. Et la nature tout autour. D’un côté, en alternance des parcelles de bois feuillus, résineux et des prés couvraient les pentes qui emmenaient à la rivière. À l’opposé, les champs d’égravines montaient fort jusqu’au bas de la barre rocheuse en falaise qui surplombait le quartier. Ces terrains de jeux étaient ouverts sans limite à qui était assez curieux, vaillant, habile, et costaud pour explorer de tels continents sauvages.
Grimper au plus haut des sapins, comme au mat du grand voilier, espérer une mer de ciel forte pour grandes sensations. Construire une cahute d’infortune avec des branches de noisetiers, faire d’une boite de conserve de cantine collective un brasero enfumant et fumer du bois fumant à grande toux pleureuse en tenant assemblée d’indiens des plaines.
Traverser, par le dessous, toute la largeur de la place du café-épicerie en rampant dans un tuyau d’évacuation des eaux pluviales éclairé par la lueur faiblarde d’une lampe de poche empruntée en cachette au tiroir de chez un des explorateurs, se retrouver à l’autre extrémité, à la jonction d’un collecteur plus grand et tenter de poursuivre la visite que personne, depuis des siècles de jours, n’avait osé entreprendre.
Gravir la pente d’égravines sous la montagne au-delà des vestiges du plus haut des jeux de boules, passer de longues heures à gratter le pierrier pour recueillir des fossiles merveilleux ; passer saluer l’ammonite incrustée dans la roche.
Faire d’un fayard cinquantenaire, offrant ses branches de la juste manière, un avion-cargo transatlantique ; piloter un vol de nuit en plein après-midi parsemé d’avaries inimaginables, de rencontres de nuages d’oiseaux, de nuages d’orages, poursuivre impassible malgré une aile à demi arrachée, un seul moteur valide et la plupart des instruments invalides.
Graver au canif un cœur de guingois avec en son sein des initiales rayonnants. Et tant d’autres actes de bravoure enfantine…
Les copains étaient nombreux, les copines aussi pour ceux qui savaient leur plaire. Les mômes avaient des âges qui rendaient parfois les occupations communes délicates, pourtant les plus frêles se trouvaient toujours aidés, accompagnés. Les plus grands trouvaient toujours moyen pour se défiler et partir en goguette vers des horizons que les moyens imaginaient merveilleux et tellement existants, ils restaient, râlants, pas loin des cadets suivant la consigne des parents. Les conflits étaient rares, parfois les mailloches tachaient les maillots de corps. Certaines bisbilles duraient et si un des râblais questionnait sur le "pourquoi Lun causait plus Lautre“, la réponse se faisait évasive, raison grave classée secrète ou motif délayé par le temps et les lessives des maillots.
La rue avait un haut, un milieu et un bas, géographie idéale pour organiser l’été courses de patins à roulettes, de carrioles faites de bric et de broc, de mara-bouts de ficelle, de frein en bois, l’hiver les descentes en luge nécessitaient préparation de la piste-rue : de l’air très froid, de l’eau répandue généreusement au tuyau d’arrosage et de la patience soutenue en se tapant dans le dos pour réchauffer les pilotes. Venait la fin d’après-midi, la piste brillait et les intrépides fonçaient. Il survenait souvent l’incident de l’ancien en voiture qui patinait dans la montée. Alors les grandes engueulades faisaient spectacles.
2023.06.08 jeudi
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