La Lecture · Pourquoi Je Lus ? Je Lis (Là) ? Je Liras ? par Christine

 
Quand j'étais petite je lisais tout le temps. Quand je recevais des cadeaux, c'était toujours des livres. Mes sœurs s'en moquaient, et j'ai fini par envier les bijoux de pacotille qu'on leur offrait ! Quand je rentrais de l'école pour le déjeuner je me précipitais sur mon livre. Je me plongeais dans un univers de fiction qui me faisait voyager dans des ailleurs insoupçonnés. Mes sœurs, toujours elles, m'accusaient d'échapper ainsi aux corvées ménagères qui nous incombaient et je trouvais cette vindicte bien mesquine. Il est vrai que je plaçais la lecture au-dessus des tâches d'intérêt collectif, d'ailleurs sans intérêt ! Les adultes eux-mêmes valorisaient et encourageaient cette propension à s'extraire du présent. La lecture était à leurs yeux source d'apprentissage, de bons résultats à l'école, de réussite future. Moi j'y trouvais un gain plus immédiat : sortir du présent, voyager et rencontrer le monde, aller au-delà du cercle limité et fermé de ma vie.

Plus tard, au lycée, nous étions un groupe d'amies qui lisions les romans que nous nous passions et sur lesquels nous échangions avis et commentaires. Toujours la même évasion du quotidien restreint, l'aventure des cœurs et des sentiments, la formation de nos esprits en devenir. Toute cette littérature s'emmagasinait et alimentait cette vie étrécie et routinière formatée par une société raide, étriquée, autoritaire.

Lorsque je commençais à me former à la vie professionnelle il n'y eut plus de place que pour la documentation, les lectures spécialisées. Mais peut-on appeler cela lecture ?? Revues et journaux m'apprenaient un monde concret, une actualité qui seraient voués à l'obsolescence, je le sus bien plus tard.

Apprentissage, mémorisation, c'était la lecture sans le rêve.

Tardivement, quand la nécessité de formation permanente s'amenuisa, je repris la lecture. Ayant oublié mes prédilections ou ayant changé plus profondément que je ne pensais, j'errais un temps pour trouver mes intérêts véritables : romans ? polars ? essais ? J'ai rapidement élu comme favoris les récits d'histoire ou les romans historiques, les biographies, tout ce qui m'emmenait dans le passé. Je découvrais à la fois une réalité et un voyage hors du présent. Une sorte de fiction qui n'en était pas une. Des mondes réels inexistants, introuvables, qui m'en apprenaient pourtant beaucoup sur le présent.

Une conciliation de la découverte, du voyage, et du réel.

Oui, cela me convient et me paraît inépuisable. La promesse que je pourras lire encore longtemps !

2024.12.12 jeu.
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La Lecture · Partir De La Fin par Christine

 

"C'est en vain que tu essayeras de trouver mieux que la réalité" écrivait Georges Simenon à la fin de sa nouvelle "L'énigme de la Marie-Galante".

Pour s'en convaincre il n'y a qu'à lire les journaux ! Aussi bien à la page des faits divers qu'à celle de l'actualité internationale. Si tu n'es pas sectaire tu peux aussi regarder les magazines peoples : aventures des têtes couronnées ou des géants du showbiz. Quel écrivain ne s'est-il pas inspiré pour l'un de ses romans de personnages ou de faits bien réels ?

Pourquoi l'individu lambda aurait-il moins d'imagination que l’écrivain ? L'individu crée sa fiction dans le réel. Ce que l'on ne sait pas c'est si l'individu en question puise son inspiration dans ses lectures, ou plutôt, à l'heure actuelle, sur ses écrans. Si les gens ne lisent plus auront-ils moins d’imagination ? Moi qui suis une bonne lectrice je suis pauvre en imagination - ce qui est loin d'être le cas de mes voisines de l'atelier d’écriture !

L'Humanité ne doit sa puissance créatrice qu'à elle-même, que ce soit dans la réalité ou dans l'utilisation de celle-ci par l'artiste. L'écrivain ou le poète, ou le peintre, prennent la réalité des autres pour y ajouter la leur. L'auteur crée un amalgame de réalités et par son génie crée une fiction comme on crée un acier à partir de plusieurs matériaux.

Le lecteur peut alors dans cette fiction retrouver les composants de sa propre réalité et de celle de l'auteur. La réalité, sortie de l'imagination individuelle et collective, retourne dans l'imaginaire individuel et collectif des lecteurs transformée en fiction.

2024.12.12 jeu.

 

Le hasard de M’dame Christine
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 « C’est en vain que tu essayeras de trouver mieux que la réalité. »
[in L’énigme de la Marie-Galante /1930, nouvelle contenue dans le recueil Les sept minutes] G7
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