C’est moa, guitare petite, harnachée de quatre cordes seulement pour accords jolis et son polynésien, lorsque je joue, la plage, de suite, devant regard, s’étend blanche, plein soleil et grand bleu ciel jusqu’à loin l’horizon, on voit palmiers, on voit cocotiers, on voit tiarés, on voit atolls. C’est moa, Ukulélé !
Ma taille réduite est discrète, elle pourrait me donner complexe, mais non pas, tout au contraire, je suis un compagnon de voyage si peu encombrant que l’on m’oublie parfois sur un siège, un banc de pont. Je ne regrette pas de n’avoir pas grandi, telle que je suis je me sens parfaitement bien, d’ailleurs les artisans luthiers le disent « le bon instrument est celui qui touche l’âme juste ». Bon ! moa, je n’ai pas d’âme. Hé non ! et n’allez pas croire que je l’ai troquée pour cette voix si particulière, une mystérieuse nuit, à un carrefour désert, je n’ai pas d’affinités vaudous. Je chante la musique pour l’harmonie, pour l’émotion, non pas pour charmer une surnaturelle présence, mais pour embrasser l’âme de gens qui m’écoutent. De mes origines il me reste une certaine mélancolie, elle s’invite parfois, les soirs de ciel plombé, les vagues vaguement s’agitent, mes notes se font nostalgiques, le rythme s’alanguit sur la plage et je pleure toute mon âme ou bien les souvenirs sont légers et les pincées se font sautillants comme des puces sauteuses. Et je pleure… de joie. Du fado aux ballades, sérénades, chansons hawaïennes, tout au fond de mon âme, de mon cœur, le blues rythme mes émotions.
D’autres fois, sur la plage, toujours, installé, j’entame doucement une ode à l’océan et mes notes s’en vont au-dessus de l’arc-en-ciel soutenir la voix de Judy Garland et l’accompagner un moment aux côtés du magicien d’Oz.
J’ai d’autres amis par-delà les eaux, et pas des moindres. J’ai vécu quelques années bienheureuses. J’ai fait dans le cinéma figurez-vous et je n’étais pas simple figurant, je tenais mon rôle avec dialogues au tempo.
Pour « Certains l’aiment chaud » j’ai le souvenir ému, très très ému, de cette scène fameuse durant laquelle Maryline Monroe me tenait serré contre elle, je sentais battre son foie et ses doigts me gratter allégrement les cordes, moment merveilleux. Les prises se succédèrent, mes cordes flageolaient, comme caoutchouc mou, on m’accorda souvent. Enfin avant une fatale défaillance, le réalisateur Billy Wilder m’accorda, lui, une pause plus que syndicale, c’est le lendemain que la scène fut déclarée bonne. Il ne se passe pas une nuit sans que Maryline me susurre à la rosace une chanson qui m’étourdit. Je t’embrasse Norma J.
Une autre étoile m’a ébloui, pas possible d’y résister à celle-ci, même tailler, comme moi, dans un bois dur, le meilleur des acacias Koa. Hé oui ! après Maryline la touchante, j’ai succombé au charme envoûtant d’un garçon pourtant timide et danseur endiablé, je soupire encore tant sa présence m’a marqué. Que je vous dise enfin : ma voix s’est mêlée à celle d’Elvis Presley au temps merveilleux de son insolente jeunesse, sous le ciel bleu d’Hawaï, nous avons chanté l’amour en toute amitié et passé quelques nuits échevelées sur les plages d’Honolulu.
Sentimental, je suis resté au pays où, longtemps, j’ai fredonné blotti dans les bras moelleux d’Israel K.*, le doux géant, joyeux chanteur hawaïen, notre duo vola au-dessus de l’arc-en-ciel, et au-delà.
Je suis à présent le dépositaire de son œuvre, avec bienveillance et douceur je participe à l’enseignement de la culture musicale polynésienne à travers l’archipel, je navigue sans cesse et j’aime sentir sur mes cordes les sourires heureux des enfants qui me jouent.
* Israel Kamakawiwo'ole, alias Iz, chanteur hawaïen (1959-1997)
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