Du haut d’en haut la vie est plus vive, le cor des Alpes y souffle un air frais, j’ai le corps au pied du sommet et le nez au vent.
La marche est longue pour parvenir en ce lieu, étendue de prairie grasse, étendu sur le dos je divague les yeux naviguant d’un nuage éléphant à un mouton sans cinq pattes, je devine la vallée tout en bas et ses agitations. D’un coup, au ciel passe un vol de vaches mauves, elles sifflotent, à leur cou ça clarine ! ça toupine ! ça tintinnabule ! Autour les mouches aux flageolets suivent la cadence des queues panachées. Tiens ! j’irai bien chevaucher les Vachekyries.
Je susurre un chant doux à la plus joliment encornée de l’escadrille, elle m’entend, son œil brillant me toise Toi si nain que ferai-je de ta compagnie et sauras-tu me guider vers des cieux merveilleux et chantes-tu seulement ?
Elle n’attend pas ma réponse, elle file à l’ouest. Son départ me fait peine, je retourne à mes contemplations. Une musique au loin, sautillante, joyeuse, se dandine les notes d’herbe en herbe, le petit peuple en frétille. Je pense à LeChat, qu’en miaulerait-il de ne pouvoir attraper vache qui passe. Mais le greffier est occupé, une troupe de fourmis traverse le chemin figeant ses moustaches hérissées.
J’ai marché plus loin. La pluie vient. Les gouttes gouttent, je les goûte. Sur mes paumes offertes danse la pluie. Éclats d’eau – Éclats beaux. Le nuage est passé…
La ville est ailleurs. Je le sais, l’en-bas c’est soir. Les rues. Les lumières. Les gens marchent, se croisent, s’arrêtent, certains parlent, d’autres s’embrassent, se jetaiment !
J’aurai dû lui crier à ma Belle Volante tout ce Je t’aime, tes grands yeux, tes longs si longs cils, et ton museau brillant. Un hymne à l’amour vache, voilà ce que j’aurai pu lui fredonner. Elle m’aurait écouté, les cornes entonnées.
Comment peux-tu m’aimer PetitHomme sur deux pattes, danser ensemble n’est guère aisé.
Toi et moi, Ma Belle Encornée, marchons joyeux, promenons nos cœurs insouciants sur la crête herbeuse, enivrons-nous du parfum doux des pâtures grasses en ce juin affriolant. Tes pattes nous guident vers ce vert paradis. Étreignons la prairie ! quand viendra le moment de l’étable je ferai de mon mieux pour de toi lait tirer. Je boirai ta tiédeur requinquante avec au menton l’écume du jour naissant. Délice en liesse ! je chante le bonheur de me régaler de toi.
Un jour de plus, ensemble, au pré haut, que sera demain ? Il faudra bientôt retrouver la vie de la vallée. La vérité de notre vie commune passera-t-elle l’hiver à la commune. Je te sens inquiète ma Cornette, aux heures manquent des minutes, je t’entends ruminer et vois se faner tes oreilles papillons, tes yeux se brument. Tu es inquiète et je le suis tout autant. Que fera l’étable ? Tournera-t-elle en notre faveur ? ou deviendra-t-elle l’étable de division ?
Répit, retour en vallée retardé. Profitons des jours qui restent pour nous faire des souvenirs savoureux. Passons des nuits à nous perdre au ciel étoilé. Inventons des histoires, il y a de quoi en faire des fromages avec cette Voie lactée. Vois là-haut ! la Grande Ourse, le Lion, Cassiopée et leurs voisines, tu brilles en mon cœur plus que tous ses éclats, tu es ma constellation, par ton scintillement je vis. Tu es ma Céleste, voilà le nom qui te sied ; tu es Céleste, immense et belle, amicale, maternelle, nourrissante.
Voici l’été qui s’achève, le retour en vallée avalera-t-il notre idylle ? Sous le joug du quotidien avancerons-nous au même pas, sans fatigue, sans lassitude ? Mettons-nous au travail. Nous allons marcher de front, je me tiendrai tout à tes côtés, de quoi alléger le fardeau de l’hiver à venir.
Ma Céleste parle-moi encore, il n’est pas temps de te traire, meugle-moi d’embrasés meuhs d’amour, réinvente pour nous le veau doux et dansons sur l’étable ; et après on s’endort pour toujours.
Céleste ! ta lumière brillera toujours au cœur de mes nuits magnifiques.
2024.04.18 jeudi
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