Carnet De Voyageur Immobile par Hug

Elle me dit…

Mon nom est Aquarelle, la fille des couleurs et de l’eau, je vis de ce que voit le peintre voyageur. Son regard s’accroche au proche à l’horizon, au ciel, à la terre, aux saisons, aux vivants qui vont et viennent devant sa palette. Le voyageur peint la vie sans lavis, ses larmes éclatantes suffisent à conter l’instant, taches floues, parfois impression sans contours.

En route je me fais tortue, une mallette est ma maison, quand sa porte s’ouvre je sais le moment bon. Du voyageur je sais la patience, celle qui me réconforte, je sais le geste vif, tremblé parfois, les teintes s’emmêlent, incertaines et s’accordent chaque fois.

Jusque-là je n’existe pas, pourtant je ne suis pas invisible aux yeux du porteur de pinceau, lui-même porteur d’eau. Ainsi d’aller en retour aux fontaines de couleurs, le toupet de soie se charge de ce que peintre voit. Le temps de quelques voyages de la coupe au papier et mes voici sur la feuille exposée.

Mon peintre, attentif à mon état, me veille, moi chrysalide humide, jusqu’à ma totale naissance. J’ai séché, il me regarde, me sourit, je sais qu’il est heureux que je sois enfin au monde.

 

Elle me dit…

Je m’appelle Aquarelle et ma famille est grande, mon peintre est habile et son pinceau précis, la lumière subtile et le geste tranquille.

De par le monde la famille s’agrandit. Toutes, nous sommes nées quelque part, l’eau est notre sang et sa couleur, n’importe où, transparence de même. Nous avons surgi sur le papier, capables, à peine signées, de dialoguer ici, là, ailleurs en un langage partout à l’identique parlé. De tant de lieux qui nous ont vues éclore nous gardons souvenirs émus, lointaines peuvent être nos origines, toujours ils scintilleront au regard de qui nous regarde.

 

Heureux qui comme nous avons fait longs voyages, de grand bleu soleil en contrées transpirantes. Nous portons des mondes à travers un monde. Des mondes faits de peu, parfois d’un simple trait marquant l’horizon d’où surgissent aux extrémités des collines dénudées. Ils savent aussi se faire complexes amalgames de détails odorants, de couleurs follement gaies, de ciel à front plombé.

 

Elle me dit…

Aquarelle je suis, née de couleurs et d’eau, je garde en moi la vie, là sur papier séché.

2024.09.12 jeu.

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