Exercices De Style · Temps 2 [sur 2] par Agnès


Rapport journalier du chauffeur Otto Kar - ligne S - (Sexus-Nexus) 14 février 2025 :


Je pars de Sexus à 6h02, jusqu’à 6h21, je roule pépère, personne jusqu’à station Marquis de Sade, où j’ai pris les travelos du Cupidon, à Sapho, première cliente, une petite brunette, à Sodome et Gomorrhe, le rush, j’ai rien compris, le bus s’est rempli comme un œuf, plus une place assise.

Lui, il est monté à Satiricon, 26 ans, j’en mettrais ma tête à couper, un halluciné j’vous dis, perché comme un suricate,  il tenait ses deux bras en l’air au-dessus de son chapeau, un modèle Panama, j’en mettrais ma main au feu, un peu défraichi et sans le ruban réglementaire, le type est raffiné mais pas argenté, j’en mettrais ma langue à fourcher, il a remplacé le bolduc par un cordon de rideau, il a crié à qui voulait l’entendre « C’est aujourd’hui que j’le perds, c’est aujourd’hui que j’le perds » mais personne dans le bus n’avait l’intention de lui chiper son chapeau.

Comme personne n’est descendu à Bagatelle, le gazier râlait de plus belle debout dans la travée « C’est aujourd’hui que j’le perds, c’est aujourd’hui que j’le perds » et là, j’ai rien compris, le pingouin a improvisé un jeu de chaises musicales, il a viré la mère Pichon, à quatre stations de sa maison, et a foncé sur sa place, à côté de la brunette toujours en cramponnant son chapeau : « C’est aujourd’hui que j’le perds, c’est aujourd’hui que j’le perds ».

Fin de mon service, je l’ai retrouvé à Nexus, dans la cour du dépôt, un air de chien battu, les mains sur sa tête nue. Un type plus âgé, son père, j’en mettrais mes oreilles à boucher, le calottait, et le poussait vers moi sans ménagement : « Vas-y, arrêtes de renifler, va récupérer ce que tu as paumé…Pardon M’sieur l’Agent, ce grand benêt il a perdu son pucelage ».

2025.02.13 jeu.

.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

vous vous nous nous