Maud Callen, la sage-femme, repartit de la maison des Tubman après avoir calmé les douleurs de Marthe. La grossesse de Marthe se trouvait à terme mais le bébé ne paraissait pas décidé de faire connaissance avec sa famille. Il fallait patienter, prudemment s’entend.
Depuis une semaine Maud visitait les Tubman ; tous les deux jours elle prodiguait les soins, parlait beaucoup de ce qui se passait en ville, donnait des nouvelles du voisinage, elle tentait ainsi de distraire un peu Marthe afin de dissiper, au moins pour le temps de la visite, les idées sombres qui encombraient l’esprit de la bientôt maman.
Marthe avait été mère, deux années auparavant. Son bébé était mort en venant au monde. Cette semaine-là les orages puissants avaient rendu les chemins impraticables, des arbres étaient tombés, beaucoup, encombrant les pistes d’accès, les sentiers même étaient impraticables, submergés d’eau. Oliver Tubman avait aidé au mieux son épouse Marthe à mettre au monde leur enfant. Ensemble ils avaient fait ce qui leur paraissait les bons gestes, les bonnes positions. Ils avaient échoué. Le bébé était apparu mais tous leurs efforts pour ranimer la vie du petit être ne suffirent pas. Les mois qui suivirent les plongèrent dans les profondeurs d’une détresse terrible. Lentement, le souhait de faire que leur propre vie donne une autre vie, s’installa.
"Ton bébé et toi êtes plus fort que les éléments !", répétait Maud. "Ce ne sont pas les averses d’automne qui vont guider mon office. Et toi, Oliver, tu aideras cette fois encore, et tu verras la vie sourire au monde."
Le soir même de cette dernière visite, Oliver était venu prévenir Maud, sa femme souffrait toujours plus. Il lui dit les cris, les pleurs de Marthe et son désarroi, elle avait perdu les eaux, il fallait venir très vite.
Dans le chemin d’ornières boueuses Maud marchait, glissait, pestait tout en se répétant intérieurement tous les gestes nécessaires à la réussite de l’événement proche. Elle avait affronté des situations difficiles, tragiques parfois, elle savait qu’une petite vie nouvelle est fragile, la mère tout autant. Prendre garde à tout, prendre soins de tous, le refrain de Maud.
La nuit était profonde, sans lune, les étoiles palpitaient. Une belle nuit pour naitre, pensa Maud.
Elle retrouva Marthe très inquiète, malmenée par la peur, les douleurs l’étreignaient. Tout fut mis en place, linges, eau chaude, instruments. L’accouchement fut rapide et sans complication. "Les bébés font à leur façon, et votre petite nous a bien aidé", dit Maud soulagée.
Avant de quitter la famille Tubman, Maud prépara les dernières médications, il fallait redonner force à Marthe. Elle expliqua à Oliver les choses à faire, importantes, utiles, celle que tous les pères devraient faire sans commandements, il avait une grande responsabilité et Marthe comptait sur lui.
Maud partit au matin, son assistante infirmière l’avait rejointe pour veiller mère et bébé cette première journée. Il faisait sombre, Maud avait à faire de nombreuses visites à travers le comté, d’autres détresses l’attendaient.
Plusieurs mois passèrent, Maud était partie travailler dans un état voisin. Elle reçut des nouvelles de Marthe et d’Oliver, tout allait bien. La petite Stella grandissait, joyeuse en pleine santé, la famille Tubman remerciait Maud, la remerciait beaucoup.
2022-12-08 jeudi
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