Description Fine D'Un Tableau... par Aline

Me voici devant le célèbre tableau « le Tricheur à l’as de carreau » de Georges de la Tour : huile sur toile de 1636.

Belle harmonie de bruns, de clair-obscur, mis en relief par le mur en fond noir.

Visages et mains animent le tableau, le rendent vivant, ont l’air de parler. Les expressions parlent.
Celle qui attire mon regard derechef est la femme du milieu : une grande bourgeoise à l’œil à la fois doux, bien élevé, relevé par l’ovale parfait du visage, mais tout aussi réprobateur.

Ses perles et ses écus, le velours de sa robe, ses manches gigot ainsi que son attitude altière, montrent la noblesse de sa naissance.

Elle cherche à capter le regard de la servante tout en pointant un index accusateur vers le tricheur.
Attend-elle une réponse ? Geste suspendu. L’index pointé est tourné dans le sens qui semble dire : « donnes-moi ce que tu caches dans ton dos ».

Face à elle, le tricheur évite son regard en nous regardant nous. S’il se cache de ses compagnons de jeu, il nous met dans la confidence de sa tricherie. Il sait bien que nous ne le dénoncerons pas. Il est bien tranquille. Nous ne sommes pas réels pour lui : et c’est ce que je trouve rageant : nous voyons et ne pouvons communiquer avec les personnages !

Ce tricheur a tout l’air d’un mauvais garçon avec une tête d’ange. Un petit malin, qui en nous regardant, appelle notre indulgence. Et nous rend complice, puisque qui ne dit mot consent ! Terrible de laisser se dérouler une infamie face à nous. Il nous appelle à son bord, faisant passer la bourgeoisie pour des ploucs que l’on dupe facilement, incapable de se défendre, alors qu’ordinairement ils sont du côté des forts et des puissants.
C’est-à-dire qu’il inverse la hiérarchie des valeurs.

Lui, le pauvre, vêtu de son habit de fortune malgré ses galons d’indiens ou de romanichel, est finalement beaucoup plus riche qu’eux qu’il arrive à duper sans beaucoup de fatigue.

A quoi bon bijoux et riches étoffes si c’est pour se les faire voler par le premier manant qui passe ?

A moins bien sûr qu’ayant été découvert, il ne s’apprête à donner à la douairière son as de carreau en nous prenant à témoin qu’il a encore celui de pique en réserve.

Entre la femme et le tricheur se tient la servante au turban chamarré doré surmonté d’une aigrette grise. Elle porte un tablier vert par-dessus sa robe aux manches bouffantes blanches à motifs noirs.

Elle est debout et tient en main une bouteille de liqueur ambrée dont elle sert un verre à la femme, tout en jetant un regard de biais dirigé on ne sait où.

Le dernier personnage sur notre droite semble un jeune et riche page bien élevé, dans les deux sens : élevé par son éducation et élevé dans le rang social. On le voit à la richesse de son habit empesé et décoré, à ses bijoux et fanfreluches qui lui font faire tapisserie et lui interdisent de bouger.

Cette élévation le rend éthéré, loin des réalités du quotidien : on le sens absent, comme si son éducation lui interdisait de penser qu’il puisse y avoir un voleur à la table : peut-être le sent-il, mais il ne le manifestera pas.  Il vit dans le monde du paraître.

Je remarque aussi les magnifiques coiffes des femmes et du page. Plumes, soieries, hennin prolongent les chevelures.

2023-02-09 jeudi

Je Suis... par Karine

Je suis une couette. Une couette moelleuse en duvet d’oie. Bien chaude. Pas d’une très grande utilité la journée, hormis si je suis agrémentée d’une jolie housse, je prends tout mon sens le soir venu à l’heure où mes heureux propriétaires ont décidé d’aller se mettre au lit. D’abord ils me soulèvent ou me replient pour se glisser sous ma douce chaleur. Et là, tout peut se jouer. Il se passe tant de choses sous la couette, des plus violentes disputes au plus charnels des câlins en passant par les silences les plus froids. La couette est le témoin des amants passionnées, des couples usés par le temps, des enfants innocents.


2023-01-12 jeudi

Que Font Les Livres, La Nuit, À La Bibliothèque ? par Karine

18h, les derniers lecteurs quittent les lieux en silence. La bibliothèque se vide, la lumière s’éteint, la porte de ferme. Il fait sombre, tout est calme et silencieux, presque endormi. Soudain, au rayon BD, des noms d’oiseaux fusent, le capitaine Haddock hurle des "mille millions de sabords" alors que la Castafiore a perdu ses bijoux. Un peu plus loin, les livres d’histoires s’animent à leur tour rejouant la prise de la Bastille ou la guerre de cent ans. Hitler fait face à Napoléon alors que Jules César défie Louis XVI dans un combat de gladiateurs.

Encore plus loin, ce sont les héros de Marcel Pagnol qui vont saluer Obi Wan Kenobi et Hanakine Skywalker dont le vaisseau vient de se poser dans le garigue d’Aubagne au pied du Garlaban. "Et si on réunissait plus de monde" propose Marcel. "On pourrait inviter l’Étranger de Camus, les Sept Nains, Julien Sorel, l’Avare et le Malade imaginaire, Pinocchio, le Petit Poucet, la Chèvre de monsieur Seguin et les 101 Dalmatiens. On pourrait faire la fête."


2023-01-12 jeudi

Bien Des Années Plus Tard... par Karine

Mathilde était la plus petite et la plus timide de la classe. Toujours en retrait, elle n’osait jamais prendre la parole et restait souvent à l’écart pendant la récréation. Elle parlait tout bas de sorte qu’on l’entendait à peine quand la maîtresse lui posait une question.

Bien des années plus tard, Mathilde a pris des cours de théâtre et monte régulièrement sur les planches. Elle a fait de brillantes études et est conférencière pour les étudiants d’une université qui l’écoutent avec attention. Mathilde gagne en assurance et avance désormais dans la vie avec force et conviction.

 

François était turbulent bavard er bagarreur. Toujours le premier pour faire des bêtises, chahuter et mettre le bazar dans la classe. Il rendait fou cette pauvre maîtresse qui ne savait plus quoi faire de lui.

Bien des années plus tard, François ne s’est pas assagi. Il a arrêté l’école très jeune et a eu de mauvaises fréquentations. Il a commencé par de petits larcins, en solo. Très vite il est devenu plus gourmand, il a monté son gang pour réaliser de plus gros casses ? Il a vécu comme un roi grâce à l’argent des autres, vivant dans des palaces conduisant les plus belles voitures avec les plus belles femmes à ses côtés. Il a côtoyé le luxe et la beauté pendant de nombreuses années.

Aujourd’hui François est en prison où il purge une peine de vingt ans.

2023-01-12 jeudi