Le Sel De La Vie (inspiration : Françoise HÉRITIER) par Christian-Louis Rojane

(Je ne veux développer ici qu'un instant privilégié de ma belle jeunesse. Tout le reste est bien trop long à relater en 20 minutes.)

 

C’est un souvenir visuel et olfactif : le repas de Noël après une nuit agitée. C'était pour nous la grande réunion en habits du dimanche, chemises blanches pour les garçons, belles robes pour les filles, chaussures bien cirées pour tous face à PAPA et MAMAN, les "dieux de l'instant".

 

Pour l'entrée du déjeuner, s'offraient à nos yeux des couleurs si variées qu'on aurait cru un tableau d'Arcimboldo. Puis MAMAN apportait la grosse dinde fumante et bien dorée. Son arôme envoutant nous faisait saliver en attendant notre tour du partage avant même de la gouter.

 

Après presque deux heures, enfin, la longue bûche vint sur la table. La bagarre pour la plus grosse part débuta. Moi, je pus récupérer les petits nains et la scie jaune plantés dedans. MAMAN savait contenter chacun de nous en faisant des portions égales.

Derrière la grande table agrandie de ses trois rallonges trônait le grand sapin décoré allumé. Je me rappelle encore de son parfum. Dans un coin de la pièce, à même le lino, une masse énorme de papiers cadeaux déchirés et chiffonnés prenait au moins deux mètres

 

Puis vint le moment délicat : "Les enfants, il faut débarrasser la table".

C'est seulement après avoir replié la table que nous pûmes ouvrir nos livres et partager nos jouets.

Nous étions tous admiratifs de l'effort déployé par nos parents pour nous combler.

 

La semaine suivante sonnait le jour de l'an. Ce jour-là, nous étions tous présents.

Rires, souhaits et embrassades sur les joues (même les plus rétifs). Et tous ensemble nous écoutions le concert du nouvel an à la radio, n'ayant pas encore la télé.

 

Bientôt, c'était la rentrée des classes. Là on ne rigolait plus. PAPA nous répétait toujours que pour réussir dans la vie il fallait bien travailler à l'école. (Il avait vraiment raison.)

 

Maintenant que les années ont passé nos parents sont partis "se reposer". Pourtant nous restons tous en communion le jour de leur anniversaire. Moi, j'allume toujours une bougie dans ce moment. Les volutes et la fumée me sont indispensables pour la mémoire.

Plus tard, il me faudra rendre tous ces souvenirs en les offrant à mon tour aux enfants qui m’entourent.

Le sablier du temps sera retourné et le sel de la vie continuera...

 

2022-10-13 jeudi

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