À Ce Matin b. Une Suite… par Monique

Je m'approche en tremblant de la porte. Je tends la main vers la poignée, puis suspends mon geste. Je reste là l'estomac noué, figé, immobile. On frappe à nouveau.

-        " Monsieur Pavloff ! Ne craignez rien, je suis votre voisine ! Ouvrez-moi s'il vous plait ! Vite ! "

J'entrebâille prudemment la porte. Oui c'est bien la petite dame qui loge en face de chez moi. Je la laisse entrer.

-        " Écoutez-moi le temps presse ! Je viens vous avertir que les bruns vont venir vous arrêter ! J'ai un parent qui travaille dans la milice nationale et qui a vu votre nom dans la prochaine liste des personnes à interpeller. Il faut vous enfuir avant qu'il ne soit trop tard. Ne prenez aucun bagage pour ne pas attirer l'attention, ni votre voiture, ils connaissent son numéro d'immatriculation ".

Je saisi prestement un manteau brun et je l'enfile, par les temps qui courent, c'est plus prudent. Je dois sortir à tout prix de la ville pour gagner les bois où je pourrais facilement me cacher. Justement une clinique vétérinaire se trouve à la lisière de la forêt. J'attrape mon chat brun et le fourre dans un panier brun. Ainsi j'aurais l'air d'un brun se rendant chez le véto.

Je file sans demander mon reste. Puis je me ravise. Je dois absolument me calmer, surtout ne pas avoir l'air pressé, sinon, je risque de vite me faire repérer, avec tous ces policiers bruns qui patrouillent dans les rues. Je ralentis mon pas et essaye de prendre un air décontracté. Après une bonne heure de marche j'arrive enfin en vue du fameux bâtiment.

Je m'arrête alors dans un petit square et je m'assieds sur un banc. Je vérifie qu'il n'y ait personne aux alentours et j'entrouvre la porte de la panière. Mon chat hésite un peu, puis se décide à sortir, il me regarde d'un air étonné et viens se frotter contre moi en ronronnant. Je caresse sa jolie tête brune. Mis en confiance, il bondit alors dans l'herbe et commence à explorer les alentours. Les minutes s'égrènent interminables. C'est alors qu'il aperçoit, sur un des arbres bordant l'allée, un petit oiseau sautillant de branches en branches. Le voilà hypnotisé par le volatile.

J'en profite pour m'éclipser, lui au moins ne risque rien de la part des bruns et il trouvera facilement une nouvelle famille.

Je me dirige tranquillement, comme un promeneur solitaire, vers les premiers sapins. Puis dès la lisière franchie je me mets à courir comme un fou à travers bois. Une seule idée en tête maintenant, passer la frontière. Pour cela il va me falloir traverser cette immense forêt.

Durant des jours et des jours, je continue à fuir, m'arrêtant seulement une heure ou deux pour dormir un peu, recroquevillé dans quelques creux de rocher ou quelques abris de fortune, m'orientant grâce au soleil ou aux étoiles, me nourrissant de racines et de baies, buvant l'eau des ruisseaux, trébuchant sur des racines, m'écorchant et me déchirant aux ronces et aux épines.

Après un temps qui me parut interminable, complètement exténué, je touche enfin au but. Affamé, épuisé, mes vêtements en lambeau, j'arrive à proximité d'un village.

Soudain, une main de glace m'étreint le cœur, mon sang se fige dans mes veines. Là, devant moi, sous le porche de la maison la plus proche, un chien brun est couché devant la porte.

Non ! Pas ça ! Non ! Au comble du désespoir, je tombe à genoux dans la poussière.

Entendant du bruit l'animal se lève et s'avance un peu. Mais non, il n'est pas brun, plutôt marron clair tirant sur le roux, une lueur d'espoir commence à s'emparer de moi et lorsque j'aperçois sur une des fenêtres, un chat noir et blanc faisant consciencieusement sa toilette, je ne pus retenir mes larmes.

2023.14.12 jeudi


 

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