Je Me Souviens De La Librairie... par Monique

Je me souviens de la librairie que j'avais découverte en flânant au hasard des rues d'une petite ville de province. Nichée au fin fond d'une ruelle obscure, sa vitrine avec son fouillis de livres empilés de guingois avaient attiré mon regard. Quelle curieuse façon de présenter des ouvrages à la vente, peut-être sont-ils en train de déménager et ils ont empilé les livres n'importe comment, en attendant de les trier et emballer.

J'essayai de pousser la porte. À ma grande surprise celle-ci s'ouvrit en faisant tinter la petite clochette de bronze annonçant l'arrivée d'un client.

Je pénétrais dans la boutique qui semblait déserte.

Soudain, surgissant d'un amoncellement de volumes posés sur un ancien bureau louis XV, au plaquage de bronze magnifiquement ouvragé, un petit vieux à lorgnons, s'avança vers moi.

Me saluant d'une révérence, il s'enquit du but de ma visite : étais-je à la recherche d'un livre particulier, d'une collection complète ?

J'avouai que c'était par simple curiosité que j'étais entrée et que je n'avais aucun but précis, mais puisque j'étais là, pourquoi ne pas jeter un coup d'œil, je pourrais sûrement trouver un ouvrage intéressant.

J'examinais les rayonnages, quel capharnaüm, pas de classement par ordre alphabétique des auteurs ou des titres, pas de regroupement par thème ou catégorie. La métamorphose de Kafka avoisinait Les fleurs du mal de Baudelaire, Le Cid de Corneille était noyé au milieu d'une série de Jules Verne, les contes de Perrault étaient coincés entre les pièces de Shakespeare et les œuvres de Dickens, Descartes s'acoquinaient avec le Marquis de Sade, Sinbad le marin voguait sur la Mare au diable, la Morte amoureuse courait après Cyrano de Bergerac, et Sophocle écrivait Les lettres de mon moulin.

Je restai planté là, fort perplexe, ne sachant ou donner de la tête. Je sentais le vertige me gagner et dans mon dos le petit vieux qui m'observait en s'amusant de ma désorientation.

Mes jambes commençaient à flageoler, les étagères à onduler.

Il fallait à tout prix que je réagisse sinon, je savais qu'un terrible piège allait se refermer sur moi.

Dans un suprême effort de volonté, je me retournai, bousculai ce petit être diabolique, gnome ou farfadet, je ne le saurai jamais et je m'enfuis sans demander mon reste.

C'est alors que je me réveillai, tremblant de tous mes membres. Ouf ! ce n'était qu'un horrible cauchemar, mais encore longtemps après cette nuit effroyable, je me souviendrai de cette maudite librairie.

2023.11.16 jeudi

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