- Si, elles nous nourrissent, mais très très peu...
À la sortie de l'école primaire de la rue Damrémont trois fillettes rentrent chez elles par la rue Montcalm. C'est une rue déserte, peu animée, sans magasins.
À l'angle de la rue qui mène au commissariat une boulangerie rompt la monotonie. La vitrine bien éclairée offre à la vue des passants les croissants dorés, les pains au chocolat bien gonflés, les pains aux raisins et autres pâtisseries colorées, décorées de sucre glace, de festons de crème pâtissière, de nappages au café ou au chocolat. Eclairs et religieuses, opéras, tartelettes aux fruits, qui ne se sentirait pas aussitôt l'eau à la bouche ?
Moi. Je ne suis pas gourmande. Ni gâteaux ni chocolat, encore moins les crèmes. A l'exception de la crème Chantilly si légère, si aérienne, délicieusement parfumée et discrètement sucrée...
Mes deux compagnes ne partagent pas cette retenue. Devant la vitrine on s'arrête longuement, humant les effluves de pain chaud, de beurre et de sucre qu'exhalent les soupiraux juste en dessous. Elles s'emplissent les poumons de ces parfums ensorcelants. Elles dévorent des yeux leur gâteau préféré.
Leur court échange me laisse songeuse. Lucie, bien potelée, s'interroge : peut-elle humer à loisir ces délices tentateurs ? Quelles en seront les conséquences ? Mariane, frêle et blonde au teint clair, ne se soucie pas de tout cela et s'autorise à profiter d'un bonheur inoffensif.
Quelles injonctions, quels interdits nous sont-ils infligés depuis notre jeune âge ? Que feront-elles ces fillettes plus tard face aux diktats de minceur de la société assortis de régimes plus ineptes les uns que les autres ? Comment vivront elles entre péché de gourmandise et société de consommation ?
Je ne me sentais alors pas du tout concernée par le sujet. Longtemps je n'ai eu aucun dilemme. Jusqu'au jour où j'ai eu la révélation. Toute une vie à rattraper... mais ceci est une autre histoire !
2024.11.14 jeu.
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