Son nom et son adresse étaient écrits en caractères bâtonnets et, dans la partie réservée à la correspondance, il n’y avait que deux mots : MERCI, PATRON.
Ces lettres bâtons le transportent en douceur dans son enfance. Et le voilà, petit garçon de six ans, juste avant l’entrée au CP. Un mois d’août ennuyeux dans la ville étouffante, sans partir, sans copains. Eux, ils sont partis et passent leurs vacances au bord de la mer. Lui, il reste là, dans la ville désertée avec pour seule compagnie une envie de savoir lire de plus en plus pressante.
Alors, il marche dans les rues, utilise les enseignes des magasins pour chercher des liens.
BOULANGERIE - FROMAGERIE - GERIE : OK.
PÂTISSERIE - ÉPICERIE - SSERIE - CERIE : bon, d’accord.
CHARCUTERIE - CHAR - CU : quoi ?
FLEURISTE - PHARMACIE - F - PH - IS - CI : bizarre.
Bon, une fois installé en classe à un bureau de CP je saurai lire.
Il marche encore, abandonne les enseignes et contemple les affiches publicitaires. Et ces lettres droites, géantes, colorées qu’il associe chaque jour de mieux en mieux, l’emportent dans un monde fantastique loin de l’ennui, loin de la solitude.
Retour au présent. Ses yeux fixent le message énigmatique.
MERCI PATRON...
Soudain, les onze lettres glissent, se mélangent, construisent d’autres mots avec une pause pour le temps de lecture. PARME CITRON...
Puis, PORTE CARMIN..., CARTON PRIME..., CAMPER ON RIT..., CRAMER POINT...
Face à ce défilé de messages poétiques, mystérieux, son bureau encombré de dossiers rétrécit. Il est cet élève de primaire studieux, rêveur parfois qui découvre des livres de plus en plus gros, de moins en moins illustrés : voyageur immobile, pétri de lecture à tout jamais.
2024.12.12 jeu.
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