Loursat méditait dans un bistrot devant son verre de vin rouge. Il lui fallait son journal quotidien afin de boire sa première gorgée. Avec un journal il n’était jamais seul et il attaquait mieux sa journée. Il regarda autour de lui. Qui avait emprunté ce maudit canard ?
Finalement il le vit traîner sur une table à l’autre bout du bistrot. Lentement il se leva, traînant ses pieds alourdis par les chaussures de sécurité. Il récupéra le journal et retourna devant son ballon de rouge. Il en but avec délectation une gorgée tout en parcourant la une des yeux.
Il n’avait jamais été attiré par la lecture, apprendre à lire avait été laborieux. A l’école élémentaire il avait attendu avec impatience ses quatorze ans pour pouvoir quitter le cursus scolaire et entrer en apprentissage en mécanique. Il avait passé la fin de sa scolarité au fond de la classe, près du poêle et il aidait avec plaisir la maîtresse à l’allumer chaque lundi matin.
C’était l’époque où le certificat d’étude avait une grande valeur. Il n’avait pas cherché à le passer, c’eût été peine perdue. Puis devant son zèle et ses capacités en mécanique, plus tard la commune l’avait embauché comme cantonnier. Et depuis, chaque matin ressemblait aux autres depuis des années.
Un journal, c’est pas comme un roman trop long, trop fastidieux. Et pourquoi rentrer dans la vie des autres ? Quel intérêt ? Un journal, c’est concret, on y apprend les nouvelles du coin ou d’ailleurs. Loursat aimait le feuilleter, regarder les photos accompagnant les reportages, choisir les sujets qui l’intéressaient. C’était l’occasion ensuite d’en discuter avec ses collègues ou habitants du village.
La dernière page tournée, il terminait son verre, repliait soigneusement le journal, puis le ramenait sur le comptoir. Chaque matin, après avoir salué les habitués, il sortait. Sa journée de travail allait démarrer.
2024.12.12 jeu.
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