La nuit était sourde, les rues menaient au café, le pavé renaissait dans les aubes de zinc. Dans la salle enfumée, réunis autour d'une table et d'une bouteille de vin blanc, quatre vieux étaient occupés à taper le carton. Ils balançaient leurs cartes tour à tour, sous le regard amusé de quelques poivrots accoudés au comptoir.
La matinée avançait, des clients rentraient et repartaient, mais eux continuaient à jouer en vidant tranquillement leurs verres si bien qu’une seconde bouteille vint bientôt rejoindre la première.
Aux alentours de midi, ils firent enfin une pause et se firent servir un plateau de charcuteries et de fromages accompagné de vin rouge. Puis ils reprirent leur jeu.
Que peut-on faire d'autre quand on est vieux, que l'on vit seul, parce que célibataire, veuf et que votre seule famille habite si loin. Alors on va au bistrot retrouver d'autre laissé pour compte et on passe le temps comme on peut, buvant et faisant une belotte ou une manille, vu que l'on a pas grand chose à se raconter.
Et les journées se passaient ainsi. Les parties s'enchainaient, les verres se vidaient, les bouteilles défilaient. Au fur et à mesure que les heures passaient l'ambiance devenait de plus en plus électrique, les joueurs s'abandonnant à la fièvre du jeu et à l'emprise du vin.
Mais, le soir venu, ce n'étaient plus que des visages cramoisis, des corps avachis, se balançant sur leurs chaises, leurs yeux ne distinguant les cartes qu'à travers une sorte de brouillard.
Alors, péniblement, ils se levaient, se cramponnant les uns aux autres et tanguant comme des bateaux ivres, ils s'en allaient par les rues sombres retrouver les murs gris et froids de leur pauvre logis sans âmes et replonger dans leur effrayante solitude.
2025.09.18 jeu.
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