Je Me Souviens De La Librairie... par Hug

Je me souviens de la librairie où j’allais régulièrement, celle de la ville où j’ai grandi. Elle existe toujours, elle se situe à l’entrée de la rue principale, côté gauche dans le sens unique de circulation des automobiles, le même qu’il y a cinquante ans.

 

La boutique était encadrée par d’autres commerces, à gauche, séparée par une porte cochère maousse, un primeur, à droite, mitoyen, un fromager-crémier, ainsi, là, au milieu des nourritures terrestres se tenaient attablées des nourritures spirituelles.

Le lieu était grand sans excès. Hum ! enfin, le lieu était petit mais spacieux, encombré d’ouvrages. Les livres partout s’installaient, sur planches/tréteaux, en rayons débordant parfois en équilibre acrobatique et le plus souvent en piles hasardeuses propices au butinage.

Je me sentais abeille découvrant un pré de pâture sur les plateaux du Haut-Jura, étourdie pas la variété des belles en pétales. Je survolais cette étendue d’exemplaires alanguis, posais tendrement mes doigts sur leurs atours, puis prélevant l’ouvrage attractif, je le retournais pour en lire la quatrième de couverture et épreuve ultime, d’un pouce habile je feuilletais rapido-presto en approchant l’objet de mon désir au plus près de mes narines. Et là… Et là… derrière mon front les sensations partaient en pop-corn, un bien-être grandiose, une montée d’hormones joyeuses. La rencontre sentait bon l’amitié, l’amour, de doux moments à venir. Il arrivait aussi que, malgré un parfum de paradis, l’individu me tombe des mains, je le ramassais, le reposais, pas mécontent d’avoir connu un court moment d’extase, et je poursuivais ma quête.

L’odeur de la librairie était un mélange doux d’encre, de papier et des parfums de Madame LaLibraire, je respirais au plus profond cette potion olfactive.

Retrouver à chaque visite les livres déjà vus, les romans déjà lus, me faisait sentir de la famille, je savais qui j’allais retrouver et espérais en découvrir d’autres membres pas encore croisés.

Les collections de poche avaient tout des grandes et occupaient bonnes places dans l’espace. La 10/18 et ses auteurs singuliers, rares, à la marge ;   Folio, naissante dans ses langes d’un blanc éclatant, offrait du sérieux, du tendre, classique ou contemporain ; Denoël et ses cartes d’embarquements pour des mondes inconnus ; Points et ses thématiques ; Le Livre de Poche le vétéran et son large catalogue.

 

Longtemps je me suis assis de bonnes heures dans cette librairie, avec bonheur toujours. J’en ai fréquenté d’autres, peu en vérité, fidèle aux lieux, à leur charme, à leur atmosphère et aux personnes qui les animent. Je me souviens de la Libraire de la Proue, rue Childebert à Lyon, toute proche de la Place de la République, refuge de résistance, de révolte, de militantisme, de marginalité, ça sentait la grogne et le pavé.

Depuis une poignée de décennie c’est à la Librairie Buffet que je butine mes plaisirs solitaires, j’aime m’y rendre, il y fait belles, il y fait bien, il y fait bon, il y fait plaisir.


2023.11.16 jeudi

 

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