Bien Des Années Plus Tard... par Hug

Paul, le P’tit Paul et son joli sourire, il était agréable avec tout le monde, il aimait tout le monde, tout ce qui l’entourait. Il aimait tellement tout qu’il ramassait, à cloche sonnante, les fins de craie pour qu’elles ne finissent pas à la corbeille, il les recueillait dans une boite à sucre, simplement. Peut-être attendait-il qu’elles lui racontent tout ce qu’elles savaient, elles avaient tant écrit au tableau de choses à connaitre.

Bien des années plus tard, Paul-P’tit Paul devint vétérinaire. Il aimait les animaux, tellement qu’il vivait entouré d’une troupe hétéroclite de chiens, de chats, de volailles, de chevaux, de chèvres, de moutons et d’autres, autant de vies détournées d’une mort pour cause d’inaptitude.

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Il y a Martine, sa sœur, tout à côté. Elle regarde la photographe avec une interrogation gênée, comme ne sachant pas la raison de cette séance, elle observe les gestes de la dame autour de sa drôle de machine. Elle n’a rien demandé Martine, elle est patiente, elle attend l’oiseau qui, c’est promis, va sortir de la boite noire. Elle fut déçue, pas d’envol. Elle garda pourtant fascination pour cette fausse cage à oiseau.

Bien des années plus tard, Martine, devenue photographe, a parcouru le monde d’évènements tragiques en guerres fratricides durant plusieurs décennies. Ses images sont reconnues, elle en connait le prix, sait les dangers de chaque instantané. C’est au retour d’un reportage en terre éloignée au cœur d’innommables violences que la peur s’était installée en elle. L’explosion. Les blessures. Les douleurs. Les mois d’hôpital.

De retour chez les debouts Martine avait mis en marge ses reportages, elle photographiait son univers proche, ses photographies étaient belles, sensibles, bouleversantes. Sa patience avait grandi, la nature la nourrissait.

Elle publie tout bientôt un album d’images sereines et merveilleuses, en noir et en couleurs.

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Laurent est en train de se manger la main !? Non, pas. Laurent va du bout des doigts extraire un éclat de noisette restant de la barre de chocolat qu’il croquait avec une régularité toute helvétique. Ses dents l’inquiétaient-il tant ?

Bien des années plus tard Laurent me reçoit en son cabinet dentaire. Nos rendez-vous sont moins réguliers que sa consommation de chocolat en barre triangulaire, oui, il ne s’est pas sevré de cette douce gourmandise et, le comble pour une dentiste, il en laisse toujours à la portée des enfants comme remontant après les soins. Nos rencontres au fauteuil sont suffisantes pour entretenir mon émail, pour le reste, on se voit très souvent, Laurent, malgré sa profession, reste un bon copain.

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Claudine et son petit col blanc, son sourire large, accueillant, ses joues rondes, Claudine nous faisait rire beaucoup. Elle aimait aller au cirque, la piste aux étoiles, les numéros de voltige, les artistes brillants volant dans le ciel du chapiteau. Aux fêtes de l’école, Claudine apparaissait en costume étincelant de belle acrobate – sa maman était fine couturière –, rubans dorés aux cheveux, son numéro au sol était étourdissant. Les applaudissements la comblaient et la faisaient rougir.

Bien des années plus tard c’est au cours d’un numéro de trapèze en solo qu’elle chuta, le filet mal arrimé ne la retint pas. Il m’arrive de pleurer encore, j’admirais Claudine et j’en étais amoureux, ses sourires étaient des baisers sur mes yeux, je m’en souviens cela me console, un peu ; trop peu.


2023-01-12 jeudi

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