La dernière lumière s’est éteinte, quelqu’un a oublié de fermer la porte séparant les secteurs jeunesse et adulte, tout est bien ainsi. L’horloge tricote en silence, la grande aiguille compte, muette, ses minutes.
Un peu plus tard, dans l’air, un frémissement, le vent dans les feuilles des magazines commencent à s’agiter sous leur couverture. Une soirée Découverte du monde est organisée devant la mappemonde, une manière d’accueil pour les nouveaux numéros traitant de voyages. Les piles se défont selon les destinations, une fois accordés les journaux se feuillettent en décrivant les lieux, ventent les points d’intérêts, les incontournables. De grands voyages se font, les bonnes adresses s’échangent.
Section jeunesse une ronde d’ouvrages géographiques tourne à rythme lent autour du gros globe terrestre en relief installé au centre de l’espace lecture. Sur les gradins se sont installés les p’tits livres et leurs héros, ils se tiennent bien debout sur tranche, entrouverts, ils observent les grands qui expliquent la Terre. On leur raconte les continents, les pays, les montagnes, les océans, les mers. C’est une grande affaire que cette sphère, elle est presque toute bleue, tout ce qui est bleu représente l’eau, de d’eau salée Pouah !!! Mais comment se fait-il que l’eau ne coule pas dans le vide. Pas d’impatience, la semaine prochaine les nouvelles revues scientifiques jeunesse arrivent, elles expliqueront comment tout fonctionne.
Devant la frise historique ce sont les revues d’histoire qui se tiennent face à d’autres héros de la jeunesse. Au quotidien, comme ce soir, ils font chroniques des événements récents, histoire et société humaine marchent ensemble, alors les pages d’histoire rendent compte des temps passé et présent, les personnages qui les écoutent ont l’importante charge de transmettre à leur tour dans l’espoir d’un futur moins agité.
Vers la machine café, on tient salon policier, San-Antonio argote en as, ses aventures font se tordre les anciens de la maison poulaga, les plus jeunes en rayons, au dos pas encore usé, sont perplexes, ils pigent que dalle au turbin de l’Antonio le Sublime. Pas de portable, pas de web, pas de GPS, la préhistoire de la police, "ce type est un fossile". Alors, quand Maigret débarque pour commander sandwiches et bière c’est l’avant big-bang qui prend la parole et pour dire bien peu car Jules écoute surtout, réfléchit beaucoup et savoure dans sa pipe du gris pas doux. Les plus anciens inspecteurs ou détectives dorment déjà, dommage.
Jusqu’à tard les pages vont se tourner, un ouvrage enrichissant l’autre, certains se froisseront. De bonnes feuilles informeront de l’intérêt d’une nouveauté prochainement invitée. Des pages au sale caractère désespérées de n’être pas bien comprises seront déchirées par un cruel dilemme : le pilon ou l’autodafé.
Et puis les couvertures se vont se refermer, tout ce petit monde va rejoindre sa place de choix, demain il y a de l’ouvrage.
Le soir d’après, ou l’autre, se seront les aventuriers ou les romantiques qui feront rêver petits et grands, qu’ils soient cartonnés, originaux, de poche ou aristocrates en papier bible, ils seront là, grand ouverts, à leur rayon, à l’écoute, d’histoires haletantes, quelques larmes glisseront, sûrement, sur les couvertures soigneusement pelliculées.
Le soir des humoristes viendra, le plus risqué, à trop rire il en est qui se plient en deux, en quatre et pour les remettre à plat il faut attendre la nuit des ouvrages de médecine et autres pratiques manuelles. En alerte permanente, en représentations parfois, les guides de couture, travaux manuels, origamis, sont prêts pour intervention immédiate, leur habileté et leur inventivité sont toujours bienvenues pour remettre les pliures peu profondes bien à plat et éviter autant que possible le passage en salle de chirurgie réparatrice.
La nuit se couche au petit matin, la bibliothèque est sereine, quelques chuchotements, des confidences sans doute. Les insomniaques de la section 810 relisent en murmurant leurs compositions, comptent leurs pieds beaux. Bientôt les portes s’ouvriront au monde pour une journée joyeuse. Et ce soir, à nouveau, l’agora accueillera la parole écrite.
2023-01-12 jeudi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
vous vous nous nous