S’Attabler Chez Tavernier Bertrand, En Tricoter Les Toiles… par Agnès

Broderie sur la filmographie de Bertrand Tavernier :

A la sortie du cinéma, c’est une évidence pour Béatrice, L’Horloger de Saint-Paul, serait son guide à Lyon, un regard intérieur sur la ville de son enfance. Comme un fait exprès, sa semaine de vacances coïncide avec le Festival Lumière, une Chance et l’amour du cinéma font le reste. Contre l’oubli de ses rêves de petite fille qui meurent petit à petit dans sa Vie et rien d’autre que sa vie, une petite vie déprimante à pleurer qu’elle appelle affectueusement son Mississippi Blues, elle hurle sur le pas de sa porte son mantra « Que la fête commence et Ça commence aujourd’hui ». Dans sa banlieue sans grâce De l’autre côté du périph’, résolue et brave, elle quitte Des enfants gâtés et son Capitaine de mari qui, sans être Conan le Barbare, se conduit parfois comme un connard barbant avec lequel elle livre bataille telle la Fille de d’Artagnan, à fleuret moucheté, dans une guerre sans nom à grands Coups de torchon. Autour de minuit, dans la brume électrique, elle prend le train de nuit, Quai L.627 Gare d’Orsay qui ne trimballent plus que les rêves des voyageurs.

Elle fuit la faune interlope et mercantile de La Part-Dieu, émigre via rue de Marseille jusqu’à la Place du Pont où déambulent des clochards célestes, où les boutiques s’orientalisent, où le lamé des caftans, les effluves chauds des épices, les mélopées chavirantes sont comme autant d’appâts qui la font tanguer jusqu’au Pont de la Guillotière où elle redevient sage. Bellecour, un petit coucou à Louis XIV, et elle taille rue de la Ré au pas de charge jusqu’aux Terreaux pour se planter devant l’Ombre de Rodin, elle préfère le Baiser, doux souvenir d’un dimanche à la campagne avec son amoureux.

Le lendemain, elle s’engouffre dans le métro qui la monte à la verticale jusqu’à Croix Rousse où les canuts rejoignent les « double peine », dans autant d’histoires de vies brisées. Son école Philippe Soupault est toujours là, elle s’offre une belle Daddy Nostalgie : à 8 ans, son papa, à la sortie, hilare, brandit la brioche aux pralines roses du goûter. Tout au bout de la Rue Sainte- Clothilde, ils embrassent en conquérants la ville d’un regard avant de dévaler en riant les escaliers de la Colline « Prête fenotte, le dernier Place de la Comédie a un gage ! »

Le troisième jour, elle est triste devant les cygnes du Parc de la Tête d’Or, elle pense à l’inquiétude des siens mais peut-être aussi au nouveau départ qui suivra cette fugue… Des enfants rient devant le théâtre de Guignol : avec son ami Gnafron il est chargé de faire toute La lumière sur un massacre, celui de la Mort en direct du pot de confiture de la Mère Madelon !

Le quatrième jour, rue de Montpensier, elle s’attable comme une princesse, devant un gâteau de foie de volaille, elle se tâche avec le coulis de tomate et lâche par réflexe son interjection favorite « J’ai cochonné, mon Juge », réplique de Michel Galabru à Philippe Noiret dans le film « Le Juge et l’Assassin ».

Les trois derniers jours, elle les passe dans les salles obscures, une overdose de films, le Festival lui offre son laisser-passer. Grâce à son prénom Béatrice, elle étanche sa passion : le cinéma.

Hello Mummy !, Ola Mamoune !, ses enfants, Holly et Lola, l’interpellent gaiement au petit-déjeuner comme si de rien n’était. « Vous m’avez tant manqué les enfants » répondit elle tout à la joie de les retrouver. « Depuis hier soir, tu n’exagères pas un peu ? » lui rétorque Lola. Elle n’a pas le temps de comprendre quand son mari la prend par la taille, « Bien dormi Chérie », puis ahuri : « Ta doudoune sur ton pyjama et ton bonnet sur la tête, c’est quoi ? »

Machinalement elle met les mains dans ses poches, elle en ressort une poignée de tickets « Voyage à travers le Cinéma Français : Lyon du 14 au 22 octobre 2023 ».

2024.01.11 jeudi

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