Il avait beau les regarder, les retourner, les remuer, à part compter jusqu'à dix avec les doigts, il ne voyait pas très bien quoi faire de ces mains. D'ailleurs c'est compter deux fois cinq plutôt que dix, qu'il faudrait dire, tellement on lui a rabâché qu'il avait deux mains gauches.
Pourtant dans sa tête, ça en bricolait, ça en construisait, ça en musiquait, ça en cuisinait, ça en escaladait, ça en caressait... Mazette, quelle gesticulation. Mais dès qu'on passait à la mise en pratique manuelle… Quelle confusion,
quelle désillusion. Les clous échappaient et les doigts les remplaçaient, le piano ou la flûte pleuraient larmissimo vivace, les légumes fondaient à l'inverse des épluchures ou oubliaient carrément de pousser au jardin, dès trois mètres de haut la conquête des sommets n'était plus que tremblote et le chat, pour ne parler que de lui, se sauvait en râlant, voyant approcher une main plus aplatisseuse que câlineuse.
C'était donc dans ses poches, que ses mains se réfugiaient en étant occupées au mieux. Il éprouvait alors une dextérité colossale, qui le faisait parader tantôt dans les rues, les parcs ou les terrasses. En se tapotant les doigts sur les cuisses, il savourait sa devise vengeresse : "Rien faire, ça m'occupe !"
2024.02.08 jeudi
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