La Mona Monologue par Monique

-      "Je commence à en avoir marre, mais vraiment marre, de ces séances de pose interminables. Cela fait des mois que ça dure".

-      "Et pourquoi ? " me direz-vous, "parce que mon imbécile de mari veut absolument mon portrait, pour l'accrocher au-dessus de la cheminée.

 Et l'autre là, avec ses pinceaux, qui trainasse tant et plus. Un maniaque du détail que c'est. Et vas-y que je te retouche ceci, et pour la quinzième fois au moins, et puis encore cela.

Et moi qui doit rester là, immobile, tournée de trois-quarts pendant tout ce temps. Ce que mon dos peut me faire souffrir, j'ai des crampes dans les jambes et des fourmis dans les doigts.

Non mais, ce n'est pas croyable, et avec ça, il faut que je garde le sourire.

Et le Léonardo qui reste là à réfléchir, l'œil fixé sur un coin du tableau, à trois centimètres de la toile.

Je me demande s'il n'est pas un peu bigleux.

Quoique, au vu de tous les verres de chianti qu'il a éclusés avant de se mettre au boulot, normal qu'il n'ait pas les yeux en face des trous.

Ah ! Il va être chouette le résultat. Je le sens d'ici. Tout Florence va se foutre de moi.

Et je ne dois rien dire, en bonne épouse, je dois supporter stoïquement les décisions de mon cher époux.

Si seulement il avait embauché un jeunot sympa, au moins, au lieu de ce vieux barbu revêche, ça aurait été plus facile de sourire. Là je suis obligée de me forcer, j'ai les lèvres crispées et la bouche un peu tordue. On dirait que j'ai eu un AVC.

Quelle poisse ! Je vais avoir une tronche pas possible. Et dire qu'il faudra supporter de voir cette crôute en plein milieu du salon.

Je ne vais plus oser inviter mes copines.

Je vois déjà la tête des héritiers, dans quelques décennies, quand le notaire les convoquera et qu’ils découvriront le chef d'œuvre. Pour sûr qu’ils vont le fourguer à un brocanteur ou l'expédier fissa au grenier.

2024.02.08 jeudi

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