Bonjour, je m’appelle Lisa, je suis née en Italie à Florence en 1480. J’ai eu la chance de naître dans une famille bourgeoise, fille de riche marchand, mon père importait des étoffes de prix, surtout de la soie de Chine. Il faisait affaire avec de puissants armateurs et se faisait livrer chaque mois des tissus plus beaux les uns que les autres. Les Italiens aisés, petits bourgeois et gens de la haute noblesse se bousculaient dans notre magasin très apprécié. Chaque nouvel arrivage engendrait un afflux de la clientèle. J’ai vécu dans une sorte d’opulence, habillée dès ma plus tendre enfance avec de belles robes de prix. Ma mère était une couturière hors pair.
En grandissant vers l’âge de quinze ans, je fus remarquée par Francesco del Giocondo, marchand également et ami de mon père. Il demanda ma main qui lui fut aussitôt accordée. Mon mari au bout de quelque temps rencontra Léonard de Vinci, déjà réputé pour ses peintures. Il lui commanda un portrait de moi car en ce temps -là, posséder un portrait chez soi était considéré comme une preuve de réussite sociale.
Bon gré mal gré, car on ne m’avait pas trop demandé mon avis même si cela était flatteur pour moi, je pris la pose maintes fois dans un atelier à peine éclairé par une petite fenêtre à ma gauche. Vêtue d’habits de soie légère et vaporeuse dont la teinte s’harmonisait avec celle de mes cheveux, je regardais fixement devant moi, main droite posée à plat sur ma main gauche. Je ne souriais pas, attendant avec impatience la fin de chaque séance.
Si j’avais su que des siècles plus tard les visiteurs du Louvre allaient faire la queue pour me contempler, me photographier, alors là j’aurais éclaté de rire pendant les séances de pose, ce qui aurait effacé à jamais ce sourire énigmatique qui vous attire tant. J’aurais aussi éclaté de rire en découvrant le titre dont mon portrait a été affublé : La Joconde ! Quelle vulgarité ! Tout ça parce que mon mari s’appelait Giocondo. De plus je suis représentée devant un paysage que je n’ai jamais vu… Ah, ce Léonard, quel farceur ! Un vrai casse-pied à l’époque. Pointilleux, jamais content de son travail, peignant un jour, repeignant par-dessus le lendemain, essayant moult techniques… Ce n’était jamais terminé ! Même mon mari regrettait sa demande.
Bon, j’ai quand même pris le temps de lui faire cinq enfants. Et ma consolation c’est de voir que mes arrière-arrière-petits enfants viennent me rendre visite. Je les reconnais, je prends plaisir à les suivre des yeux depuis le clair-obscur de mon cadre. Et je leur souris, avec ce sourire intrigant qui continue à faire couler beaucoup d’encre, et même la vôtre en ce jeudi 8 février 2024.
2024.02.08 jeudi
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